Quel incroyable film que cette "Cérémonie d'amour" datant de 1987 et signé du polonais Walerian Borowczyk !
Deux inconnus se croisent dans le métro (à l'époque, les gens se regardaient). Penchée au-dessus de son vanity case, la jeune femme se maquille et c'est déjà les silencieux prémices de la séduction, avec ses jeux de miroirs et de regards croisés. Elle quitte le wagon dans un flottement de tulle noir, il souhaite la rejoindre mais ils vont finalement s'interpeller d'un quai à l'autre, en un français châtié et spirituel qui paraîtra bien peu de saison au spectateur de 2024. Le phrasé peut paraître étrange au départ mais il donne finalement un charme désuet, théâtral à ce film qui manipule la langue avec énormément de sagacité.
C'est que ce métrage est tiré d'un roman de Mandiargues ("Tout disparaîtra") et l'on sent la facture très littéraire de l'ensemble qui hésite entre chair et intellect. Les plans rapprochés sur les mains qui se faufilent entre les cuisses à l'église alors que les voix restent très sérieuses m'ont énormément réjouie.
"Je suis venue pour jouir de vous"
J'ai adoré le féminisme puissant qui se dégage de l'ensemble (avec cette fille qui décide de son désir et traîne sa proie dans le "foutoir" de son amie) (on apprend d'ailleurs que c'est Apollinaire qui popularise le terme), l'érotisme (plus ou moins) suggéré des séquences, la voix-off qui accompagne si joliment les scènes sensuelles. La jeune femme, courtisane très cultivée, n'a pas la langue dans sa poche, et c'est elle qui mène la danse en fin de compte. J'ai aimé qu'elle rétorque à l'homme avide d'exhiber son membre, qu'il a "bien le temps de [lui] montrer son orgueil". Elle finira par raconter son histoire en un instant de confession déchirant et la fin réserve bien des surprises.
Vintage, poétique et excitant !