Ils avaient de l’or entre les mains et ils en ont fait de la merde…

Un histoire plurielle conjuguée au présent, qui bouscule les certitudes et vieilles rengaines du roman national, qui met en récit la diversité d’une France travaillée par des strates multiples et hétérogènes, oh que c’est fort, que ca envoie du rêve. C’est le turfu, vous ne comprenez pas. Une histoire au présent qui fait cohabiter des beautés non intimidantes et des anachronismes joyeux, une histoire qui repeuple, enrichit et réenchante l’énergie de l’actuel, voila, il paraît que c’est le portrait fidèle de cette France mondialisée vouée à un universalisme latéral, qui prend en compte la diversité des points de vue, qui ne se place pas en position de surplomb et qui ne cherche pas à exercer de prise sur les corps… Produire des imaginaires sociaux puissants et indociles, renverser la carte postale, laisser entrevoir l’étrange familiarité du lointain, vous ne comprenez pas à quel point c’est beau, c’est grand, c’est moderne.

Ils savent manipuler l’art du concept et de l’hermétisme nos braves universitaires byzantins. Supercherie, escroquerie, machine qui tourne à vide, imposture qui se dissimule, labyrinthe conceptuel qui sert à méduser... J’ai entendu à de nombreuses reprises : « Mais il faut de la culture pour comprendre cette scène ». Pastiche, citation, c’est un fourre tout ou on accumule référence et clin d’œil sans aucune unité organique ou logique. On veut représenter la violence sanglante de la révolution française, ces zones d’ombres, ne pas faire comme le bicentenaire, c’est mal compris par la moitié du pays. On a l’intention d’imprégner dans nos rétines une réactualisation du Festin des Dieux, on dirait un mauvais désamorçage de polémique. On veut faire un lien entre triangle amoureux et trouple, on ne voit pas vraiment la logique du lien. L’éloge de ce qui ne figure pas sur la toile, l’explication séparée de la toile, le discours sur ce qu’il faut penser de la toile, on sur-intellectualise ce qui est tapageur et sans grâce pour nous faire passer la pilule de saynètes qui ont raté leur coup.

C’est une culture pour des hommes nerveux, agité, qui ont le désir maladif d’être abruti esthétiquement. Figé, hors d’haleine, pale, on peine à respirer devant la surcharge baroque. On a le regard voilé par des émanations supra-sensibles. C’est un art pour des modernes fatigués du travail. C’est également un art sans attache dans l’espace ou le temps. Pas clair, flou, imprécis, les pensées sont confuses, à peine formées. C’est long. Il n’y a pas d’unité, d’équilibre. La profusion règne en maître. C’est un assemblage bariolé sans choix ni sélection, une exposition universelle intempestive, un carnaval cosmopolite constant de divinité, mœurs et art. Les personnages sont des pures abstractions. Le lyrisme est trop exalté. On force le ton pour la caméra. Synchronicité, Liberté, Égalité, Fraternité, Sportivité, Festivité, Unie dans la Diversité, Obscurité (du changement climatique), Solidarité, Solennité, Éternité, ce sont douze tableaux sans queue ni tête qui virevoltent dans tous les sens afin de nous hurler dans le crane qu’ils existent. Déjanté, survolté, à 100 % et avec le sourire en plus, les Mutins de Panurge et les gloucocrate se sont enfin adressés au monde et ils en sont fiers.

La mission civilisatrice est encore la malgré la profusion lexicale et conceptuelle novatrice. Il s’agit d’éduquer les barbares à la modernité. Ils veulent vraiment nous la refourguer à n’importe quel prix leur France Black Blanc Beur inclusive, tolérante, créolisée, métissé, queer, féministe, anti-raciste, lgbtqbi+, post-nationale, ouverte au monde de demain… Devenir l’Amérique en moins bien, voila l’idéal de ces trois ou quatre arrondissements parisiens qui se parlent dans un miroir. C’est une classe qui se parle à elle même, frustrée de ne pas avoir de passeport californien et que notre pays ne forme pas la cinquante et unième étoile du drapeau américain. Ils ont pris la plus belle ville du monde en otage pour offrir un peu de nostalgie (Lady Gaga, Céline Dion…), un peu d’américanité (Aya Nakamura, Yseult…), un peu d’animation style boite de nuit ou Disneyland Paris… et puis c’est tout. C’est à se demander s’ils ont voulu plaire au monde ou à un infime réseau médiatique et universitaire occidentaliste.

Ca parle vaguement de mon pays, d’un pays en panne d’imaginaire et de grand mythe mobilisateur. Voué à s’archipelliser, à se fondre dans une Europe fédérale et régionaliste, il y a des flashs, des néons, des lasers, de la pyrotechnie, des bouquets d’artifices pour fêter tout ca… La Start-up Nation est en marche et gare aux gaulois réfractaires. RimK, le Barde de la loose côtoie Aya Nakamura, la Sirène de l’auto tune, il ne manquait plus que Jul, SCH, Wejden, Lacrim, Linaz, Lacrim, Naps et El Matador pour offrir un tableau complet de la France d’après. L’ambiance rave est censé nous donner un peu de peps. On peut enfin tous communier comme des sauterelles, tél allumé et venant le griffer le ciel, sous un bain de sonorité geignarde et urticante.

Dans cette cérémonie d’ouverture, il ne manquait qu’une chose, une certaine idée de la France. Ils ont bafoué son honneur et l’image qu’on pouvait se faire d’elle. Ou sont nos régions ? Ou est l’Ancien Régime ? Ou est la République, cette œuvre collective qui parachève le long travail de notre Monarchie ? Ou est notre blanc manteau d’Église ? Ou est cette fille aînée qui nous a donné un destin ainsi qu’une direction collective (que ce soit la mission civilisatrice des Lumières ou l’idée de peuple élu par dieu) ? Ou est la densité culturelle et historique de cette ville sans age ? Des Armagnacs et Bourguignons à La Ligue en passant par la Cour de Versailles, les salons des Lumières, les clubs, la Bohème littéraire… Ils étaient assis sous une mine d’or et ils n’en ont rien fait. Ils auraient pu ressusciter un pays vivace, palpable, sensible, tenter d’ouvrir une brèche dans le temps, d’ouvrir un moment qui synthétiserait cette aventure collective conflictuelle et dramatique. C’est l’esprit de Péguy et non de Boucheron qu’il nous aurait fallu. Ils avaient de l’or entre les mains et ils en ont fait de la merde…

MrLambda
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le 13 août 2024

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