Tout le monde aime Marilyn
Ce film est parfait. Il est l’incarnation de la comédie. Dès la troisième minute du film, lorsque l’on voit les bouteilles de whisky cachées dans un cercueil avec "Chicago, 1929" écrit sur l’écran, on sait que l’on va passer un moment délicieux. Et l’on ne s’y trompe pas. Dans un rythme frénétique, le film enchaîne les jeux de mots, les situations plus drôles les unes que les autres, en se jouant des sujets « interdits » et des règles de conduite hollywoodiennes.
Certains peuvent considérer la comédie comme le parent pauvre du cinéma, mais il est certain que ce film est le résultat d’un travail acharné et méticuleux non seulement de la part du réalisateur, mais également de celle de ses comédiens. L’idée de Billy Wilder d’introduire dans le scénario une bande de gangsters lui permet, d’une part, d’amener l’idée du travestissement et de l’ambigüité sexuelle de manière subtile (on est en 1959, le code Hays, texte rédigé par deux ecclésiastiques, qui censure la production des films, sera en vigueur jusqu’en 1966), et, d’autre part, de parodier "Scarface" et autres films de malfrats réalisés à l’époque. Jack Lemmon et Tony Curtis, quant à eux, sont époustouflants. Ils parviennent à se tirer de leurs périlleuses compositions de travestis sans tomber dans la vulgarité et le scabreux. Et il n’y a pas qu’eux. L’acteur qui joue Osgood, amoureux de Daphné, est parfait, tout comme le porteur de bagages amoureux de Joséphine et le directeur de l’orchestre.
Et puis il y a Marilyn. Même s’il l’on s’efforce de garder à l’esprit qu’elle se refusait à n’apparaître aux yeux de certains que comme un sex-symbol, on se liquéfie littéralement à chacune de ses apparitions. "Sexy" serait un mot trop simple et trop réducteur pour la décrire. En fait, elle est indescriptible. Ses mouvements, ses lèvres, sa voix, ses postures, tout dans sa personne vous transforme les jambes en coton-tiges, pendant que d’autres parties de votre corps durcissent irrémédiablement. Elle est la quintessence de la féminité, de la sensualité, et elle est irrésistible parce qu’elle est dans un total contrôle. Si aucune intelligence ne dirigeait ce corps, elle ne serait qu’un corps, justement, sans le moindre intérêt, comme ceux que l’on voit dans les clips de rappeurs ou dans "Fast and furious". Ces filles ne sont que des objets, interchangeables à l’infini, avec une date de péremption. Leurs visages ne sont d’ailleurs pratiquement jamais filmés. Morte depuis 50 ans, Marilyn continue de fasciner et d’inspirer le désir. La raison en est que son corps est dirigé par son esprit. Elle sait ce qu'elle est et ce qu’elle fait, elle est consciente du moindre de ses mouvements et de la moindre de ses phrases, créant pour chacune d’elles un subtile mélange de fausse ingéniosité et de pure dérision.
Personne n’est parfait ? Personne, sauf Marilyn…