En plus d'être une comédie drôle et bien ficelée avec des acteurs exceptionnels, Some like it hot traite de sujets majeurs avec un ton somme tout très moderne pour les années 1950. De quoi faire rentrer ce film dans la légende du cinéma, en plein âge d'or d'Hollywood et de son réalisateur, Billy Wilder.
Déjà donc, c'est drôle. Les répliques fusent ("Nobody's perfect", "I guess some like it hot", "Wait for Sugar"...), les jeux de mots se déchainent (toutes les expressions galvaudées sur les hommes et les femmes qui sont réappropriées, Shell, etc.), sans compter les scènes surréalistes (la soirée dans le wagon couchette, le bateau en marche arrière), toutes les situations de quiproquo liées au travestissement, et le comique de geste et de répétition : tous les gens comiques sont représentés à une allure folle. Le rythme est endiablé sans aucun temps mort, avec une première partie à Chicago autour des deux musiciens, une seconde dans le train avec la troupe, et une dernière en Floride où tout se délie. Le tout avec des personnages secondaires marquants, entre le vieux riche qui fait la cour à Daphné ou le chef mafieux en méchant de James Bond.
Le trio d'acteurs, Marylin Monroe, Jack Lemmon et Tony Curtis, est remarquable. Tous trois jouent probablement le rôle de leur vie, c'est pas loin d'être unique pour un film ! Marylin Monroe joue ici une jeune fille plutôt mignonne et adorable que sexy et fatale, et ça lui va comme un gant. La caméra de Billy Wilder le lui rend bien : c'est la seule à avoir droit à des gros plans, elle en devient captivante (et un peu déprimant aussi, tant le contraste entre le personnage et l'actrice, qui mourra 3 ans plus tard, est immense). C'est dans ce film qu'elle interprète pour la première fois la chanson "I want to be loved by you", morceau qui existait depuis 30 ans mais qui devient dès lors mondialement connu grâce à elle. Jack Lemmon, sans doute le plus grand acteur comique des années 1950, joue ici deux rôles, le musicien et Daphné, tout en gardant les mêmes mimiques qui font toujours mouche. Quant à Tony Curtis, il joue quant à lui pas moins de trois rôles qui s'enchevêtrent, une performance en soi, non ?
Une histoire de travestissement, les deux musiciens se faisant passer pour des femmes pour échapper à la mafia de Chicago, c'est toujours délicat, on peut tomber dans le sexisme très facilement. Le ton du film est plus que léger (on est dans une comédie), donc il ne dénonce pas réellement la domination masculine. Mais il l'éclaire presque dans toutes les scènes. Les deux hommes se rendent compte à quel point il peut être pénible d'être une femme, même si cela ne les empêche pas de rester fidèles aux excès de leur genre. Là où Billy Wilder va loin, c'est que le mélange des identités devient vite inextricable. En plus du changement de genre apparent, les deux compères changent constamment d'avis (l'un souhaitait se déguiser en femme au début, l'autre non, puis les rôles s'inversent ; Daphné rejette dans un premier temps Osgood, et succombe de plus en plus, etc.). Et alors que les deux musiciens mènent la danse et le rythme de l'intrigue en embobinant tout le monde, ce sont les personnages moins centraux, que l'on moquait au début à cause de leur naïveté et de leur simplicité, qui se révèlent les plus forts. Sugar déjà, amoureuse inconditionnelle des deux facettes de Joe, et sans doute aussi Osgood, qui fait la cour sans discontinuer à Daphné et qui ne semble pas dérangé le moins du monde lorsqu'il apprend qu'il s'agit d'un homme. Comme s'il aimait véritablement la personne de Daphné / Jerry indépendamment de son genre. Une ultime blague, certes, mais peut-être aussi le premier personnage pansexuel de l'histoire du cinéma ! I guess some like it woke...