C'est comme lecteur et admirateur de Shakespeare et de sa tragédie de Jules César (1599) que je suis venu à ce film étonnant, qui raconte le montage de cette même pièce dans la prison romaine de Rebibbia, où sont groupés de nombreux hommes de main de la mafia. Le jeu des prisonniers-acteurs, les péripéties du montage de la pièce, le spectacle lui-même sont étonnants et remarquables. J'ajouterai personnellement ceci : les "hommes d'honneur" italiens contemporains accèdent de plain-pied aux codes féodaux et aux valeurs de la Rome antique, tels que Shakespeare les reprend à son modèle Plutarque et les adapte à son public anglais. A travers les siècles, la solidarité dans le crime, l'affirmation virile de soi, l'allégeance au Capo et au groupe, en somme tout ce qui fait l'idéal aristocratique romain, post-médiéval et mafieux italien d'aujourd'hui, se retrouvent presque inchangés. Cette compréhension intuitive de la Rome antique par des criminels italiens, à travers le filtre tragique shakespearien, a quelque chose de prodigieux.
César meurt donc, au troisième acte, au beau milieu de la pièce, mais non du film, qui relate la longue préparation des acteurs et le travail avec eux. Que faire des deux actes finaux, où est montrée la vengeance des Césariens et la punition des assassins ? Ces deux actes vont de soi, puisque la vengeance personnelle fait aussi partie des codes mafieux de ces hommes d'honneur. Si le Capo Cesar doit mourir, son sang doit être vengé.
Un spectacle prodigieux.