Voilà donc un film français, mais bon et intéressant. Il a d'abord la qualité de ne pas prêcher, de ne pas moraliser, de ne pas chausser les gros sabots de l'idéologie, chose presque sans exemple dans le cinéma français actuel. Seconde qualité : la sobriété. L'unité de lieu resserre le récit à la façon du théâtre tragique : tout se déploie, exclusivement, dans le lac où nagent les hommes, sur la plage nudiste où ils se regardent, dans le bois où ils satisfont leurs envies sexuelles. L'unité d'action enfin : un homme ayant vu un meurtre, tombe amoureux de l'assassin. La peinture de leur amour suscite un certain malaise : quelle part joue la mort dans la séduction et l'attachement de l'un pour l'autre ? Le cinéaste ne recule pas devant des scènes sexuelles crues, mais ce n'est pas de la pornographie, puisque ces scènes ont une fonction narrative et ne sont pas montrées pour elles-mêmes. Enfin, l'irruption d'un inspecteur menant une enquête sur le premier meurtre est l'occasion de poser un regard extérieur sur les relations que ces hommes entretiennent entre eux dans ce lieu : l'inspecteur s'étonne que personne ne se soit inquiété de la victime, dont les affaires sont restées trois jours sur la plage, ni de la présence possible d'un assassin homophobe au bord de ce lac, et de la totale indifférence de tous pour chacun, en dehors de la pulsion satisfaite en cachette, anonymement. Ensuite, chacun retourne à sa solitude. "Vous avez une drôle de façon de vous aimer", dit-il. On ne le lui fait pas dire.
Un très bon film réaliste.