On connaît Luis Buñuel pour ses engagements au sein de son œuvre intégrale, contre la bourgeoisie, les dogmes et institutions religieuses gouvernant la société tout entière. Dans Cet Obscur Objet du Désir, l’immense réalisateur mexicain ne cesse de revenir à ses thèmes les plus primordiaux de sa filmographie : il y sera question de sado-masochisme par le biais du plaisir dans la douleur tant recherchée par le bourgeois dénommé Mathieu et interprété par Fernando Rey, infligé principalement par l’Espagnole Conchita (interprétée respectivement par Carole Bouquet et Angela Molina). Au départ d’un long voyage en train de Séville à Paris, le bourgeois se remémore et raconte avec passion et chagrin, son histoire d’amour tortueuse avec son ancienne amante…
Déjà dans l’Age d’Or (1930) où Buñuel s’inspirait des 120 journées de Sodome du marquis de Sade, le réalisateur s’intéressait à la question du sadomasochisme. En adaptant le roman de Pierre Louÿs « La Femme et le Pantin » repris successivement par diverses adaptations cinématographiques, Luis Buñuel reprend la majorité des séquences du texte pour illustrer les efforts des deux protagonistes tenant à s’infliger respectivement une souffrance, qui conditionnerait leur accès au plaisir. Paradoxalement, qu’il s’agisse des environnements intérieurs ou extérieurs, un même objet revient au cours du film, qui pourrait bien constituer l’Obscur objet du désir en lui-même : le sac de linge sale ne cesse de faire irruption, à la fin du récit pour la séquence surréaliste, derrière une vitrine, saisi par une couturière sous les yeux tristes de Mathieu et Conchita. L’œuvre de Buñuel ne peut laisser de marbre, comme chacun de ses longs-métrages, on ne cesse de s’interroger sur les représentations parfois symboliques sur l’état psychologique de ses personnages voire de la société tout entière. Si Cet Obscur Objet du Désir est une parfaite fin de carrière pour son réalisateur, c’est bien parce qu’il convoque un message sans équivalent et résumant son cinéma : la société serait elle-même responsable de ses dégâts quotidiens, cultivant le plaisir dans la douleur, ses citoyens restants apathiques devant la douleur ressentie ou perçue.
Tous sadomasochistes donc ?
Critique en intégralité : https://cestquoilecinema.fr/analyse-cet-obscur-objet-du-desir-1977-qui-aime-bien-chatie-bien-vraiment/