Cézanne et moi par pierrick_D_

Cézanne plein.Du milieu du XIXe Siècle jusqu'au début du XXe,l'amitié indéfectible mais orageuse de deux monstres sacrés de l'art français,l'écrivain Emile Zola et le peintre Paul Cézanne.Si cette tranche d'Histoire ne manque pas d'un certain intérêt,elle aurait sans doute gagné à être traitée par un cinéaste d'une autre trempe que Danièle Thompson.Réalisatrice et scénariste du film,la fille de Gérard Oury se montre aussi moyenne qu'elle l'est habituellement,sa mise en scène pataude ne parvenant jamais à s'élever au-dessus du biopic illustratif.Procédant par des scènes courtes et rapides,pratiquant volontiers l'ellipse,passant de manière hasardeuse d'une époque à l'autre,elle offre un récit frôlant souvent le bâclage et parfois confus.Certes,elle a voulu caser une histoire s'étalant sur un temps long mais cette précipitation ne s'imposait guère dans la mesure où il ne se passe généralement pas grand-chose en-dehors des conversations tendues entre les deux hommes.Au bout d'un moment ça devient même répétitif,les pétages de plomb de Cézanne finissant par être redondants.Ceci mis à part on apprend beaucoup de choses pas forcément très connues concernant la vie de ces artistes.Hormis leurs aficionados,qui savait qu'ils étaient amis?Et de surcroit depuis l'enfance,tous deux étant originaires d'Aix-en-Provence?Et qui savait que Cézanne,dont le succès semble aujourd'hui évident,n'a percé que vers la fin d'une vie durant laquelle son talent a été totalement ignoré,à l'instar d'autres peintres comme par exemple Van Gogh?On assiste donc à la rencontre suivie d'une amitié improbable entre deux enfants bien différents,le provençal hâbleur et révolté issu de la grande bourgeoisie et le fils introverti d'immigrés italiens misérables orphelin de père.Tous deux iront ensemble à la conquête de Paris,vivant la bohème telle que chantée par Aznavour avec les chambres miteuses,les bistrots populaires,les difficultés à imposer leur talent,les combines pour survivre,les filles faciles et la solidarité au sein d'un groupe d'amis dont certains deviendront également célèbres et ont nom Pissarro,Manet ou Renoir.Si Zola parvient progressivement à ses fins et s'affirme en tant qu'écrivain de gros calibre,il n'en va pas de même pour son ami dont la peinture est incomprise,trop en avance sur son temps probablement,et le restera presque toute sa vie bien qu'il n'ait jamais renoncé à la pratiquer.Au fil des années,il ne devra sa possibilité de continuer à se consacrer aux pinceaux qu'au soutien financier de sa famille et de son pote Emile qui ne l'abandonnera jamais et sera toujours persuadé de son génie.Ce qui est méritoire car Paul,psychologiquement instable et aigri par l'échec,est un type assez désagréable qui aime provoquer tout le monde,y compris ses amis,et balancer des vérités qui fâchent.Son refus de tout compromis et sa radicalité artistique le condamnera irrémédiablement vu que contrairement à ses amis il n'accepte aucun travail de commande en attendant d'être reconnu.Eternellement en colère contre tout et tous,et surtout contre lui-même,perfectionniste et perpétuel insatisfait,il s'ingéniera à s'auto-détruire comme il détruit ses toiles. Le film explore également les angles morts de l'amitié,comme cette rivalité amoureuse entre les garçons tous deux épris de Gabrielle,qui choisira Emile,le plus calme et celui qui a réussi,ou l'exploitation par Zola de la vie de Cézanne,qu'il n'hésitera pas à utiliser dans certains de ses romans,à la grande fureur du peintre.La reconstitution d'époque est un peu laborieuse car trop appliquée et figée.Il ne manque pas un costume,pas une carriole,pas un objet vintage,pas un étang avec barques,mais tout sonne bizarrement le faux et l'apprêté,la perruque,le maquillage,la location auprès de collectionneurs.Heureusement il reste la beauté magique de la lumineuse Provence et une interprétation de qualité.Ce n'était a priori pas gagné pour les deux Guillaume,Canet et Gallienne,mais ils relèvent le défi magistralement.C'est évidemment le second qui,héritant du rôle le plus payant et du total look hirsute du peintre maudit assorti de l'accent méridional,crève l'écran et sort une étonnante composition très éloignée de ses traditionnels rôles de fragile efféminé.Sa performance est brillamment contrebalancée par celle d'un Canet sobre et précis maîtrisant parfaitement la sobriété et la raisonnable imperturbabilité de l'ami fidèle qui n'a jamais pu oublier le jeune garçon l'ayant secouru dans la cour d'école où les autres le tabassaient en le traitant de rital.Beau casting féminin autour d'eux avec Alice Pol,Déborah François et Freya Mavor,qui jouent leurs femmes,et Isabelle Candelier et Sabine Azéma,qui sont leurs mères.Laurent Stocker,membre de la Comédie-Française comme Gallienne,apparait peu mais bien dans la peau de Vollard,le premier marchand d'art à avoir acheté les oeuvres de Cézanne,et on a la surprise de voir en Zola jeune Lucien Belves,un des apprentis cuistots du feuilleton de TF1 "Ici tout commence".