Chacun pour tous par pierrick_D_

2000.Martin,l'entraîneur et dirigeant de l'équipe de France de basket des handicapés mentaux voit sa sélection décimée par une cascade de forfaits.Ca tombe mal car les Jeux Olympiques de Sydney approchent et il n'a aucun réservoir de joueurs.S'il est contraint de déclarer forfait,il perdra toutes les subventions fédérales et le soutien des sponsors,ce qui signerait la fin de son sport en France.Il a alors l'idée de recruter une bande de banlieusards qui tapent le basket de rue entre potes et de les faire passer pour des neuneus.Les gars,alléchés par la promesse d'une rétribution et la perspective d'un voyage tous frais payés en Australie,se laissent convaincre.Décidément Vianney Lebasque,réalisateur et coscénariste du film,est très intéressé par les coulisses du sport puisque son premier film,"Les petits princes",se passait dans un centre de formation pour jeunes footballeurs.Il s'inspire ici d'une histoire vraie qui est bien arrivée aux J.O. de Sydney,mais c'est la formation espagnole qui était en cause,car nous les français ne trichons jamais.Ou presque jamais.Lebasque réussit un petit miracle d'équilibre en transformant en feel good movie une histoire de supercherie particulièrement sordide.Tricher en sport n'est déjà pas glorieux,mais le faire au détriment de handicapés est spécialement dégueulasse,ou très drôle selon le degré de cynisme qu'on cultive.Quoi qu'il en soit,les auteurs n'éludent jamais l'ignominie de la situation et les personnages,conscients de la portée plus que limite de leurs actes,ne la vivent pas forcément bien.Stan,qui devient la vedette de l'équipe,ne voulait au départ pas participer à l'aventure,et Pippo,son meilleur ami,a dû le supplier pour qu'il vienne.Tous ont des états d'âmes et songent parfois à renoncer,tous ont honte de foutre des branlées magistrales à de réels demeurés,tous ont peur que le pot-aux-roses ne soit découvert.Mais une fois la machine lancée il n'est plus possible de faire marche arrière et de renoncer.Et puis on sait bien que tout le monde a ses raisons,qu'elles soient bonnes ou mauvaises.Martin veut sauver sa fédération,les faux handis ont cruellement besoin d'argent et Julia,la psychologue de l'équipe qui découvre l'arnaque tardivement,ne peut plus intervenir d'autant qu'elle briserait le rêve de son frère,un véritable autiste lui,qui fait partie de la sélection.C'est là que le film déroule habilement une intrigue de comédie tragi-comique.Les mecs font ce qu'ils peuvent pour avoir l'air amoindris et certains n'ont finalement pas trop d'efforts à accomplir en ce sens pour être crédibles,ils fraternisent avec les athlètes de tous pays au village olympique,des histoires d'amour se nouent,les mensonges se multiplient et les victoires s'accumulent au point de finir par poser problème.Martin comptait sur le faible écho médiatique du sport paralympique et sur l'éloignement géographique pour que ses manigances passent inaperçues,mais les brillantes performances de sa formation en viennent à attirer l'attention générale,ce qui décide le coach et ses joueurs à balancer la finale et laisser gagner les russes.Jusqu'à ce qu'un twist extrêmement ironique ne remette cette tactique en cause.Surtout,le scénario développe les rapports entre les imposteurs et les deux autistes du groupe,seuls à mériter leur place et ignorants de la mascarade à laquelle ils sont mêlés malgré eux.Au début ça se passe mal,les valides se foutent de la gueule des handis,lesquels détestent ces nouveaux partenaires de jeu tombés de nulle part.Mais peu à peu la cohésion va se faire,une compréhension mutuelle va naître et ça aboutira à une belle amitié qui justifiera in fine cette bizarre aventure et en atténuera les effets délétères.Le casting visiblement motivé est emmené par Jean-Pierre Darroussin,dont la fibre humaniste transparait constamment et contribue à faire comprendre les agissements fous de ce type obstiné.Parmi les basketteurs on remarque l'humoriste Ahmed Sylla,étonnant de sobriété et de justesse en fausse star qui culpabilise.Son pote et coéquipier Pippo est incarné par Olivier Barthélémy,magnifique en brute au coeur tendre,qui se révèle bien meilleur ici que lors de ses débuts hésitants avec les cinéastes du collectif Kourtrajmé Kim Chapiron et Romain Gavras.Estéban,le fils de Philippe Clair,est une fois de plus époustouflant en zonard déphasé.Seule Camélia Jordana,assez terne,n'apporte pas grand-chose au personnage secondaire de Julia.Les deux handicapés sont joués par de vrais autistes,découverts dans la troupe spécialisée du Théâtre du Cristal,et Vincent Chalambert et Clément Langlais sont bluffants de naturel.Chalambert vient de tourner en co-vedette "La marginale",un film avec Corinne Masiero.En conclusion,notons que les égarements de l'équipe espagnole ont eu dans la réalité des conséquences inverses au but visé,si tant est qu'il s'agissait bien de sauver le sport Gogolympique,puisqu'après Sydney les épreuves pour déficients mentaux ont été supprimées du programme,les autorités estimant qu'il était effectivement trop difficile de différencier les jobards et les "normaux",et c'est aussi ce que suggère le film.