Challengers n'est peut être au fond qu'un stigmate, une cicatrice sur un genou, striant une peau au grain délicat, l'empreinte symbolique d'un "Call me by your Name" qui tel un fardeau sert immanquablement de maître-étalon embarrassant dès lors qu'il s'agit d'appréhender un nouveau film du cinéaste italien .
Le cinéma de Luca Guadagnino est avant tout une forme d'expression sensorielle, un art ou la narration se construit par l'image d'abord, entièrement tourné vers la sensualité, la volupté des corsps. Un art au cœur duquel se trouve la perception et où la place accordé au développement du récit est un peu marginalisée. Le "jeu" est parfois dangereux, déceptif pour ceux qui pensaient trouver un objet plus traditionnel, et peut, décevoir même les admirateurs fervents pour peu que l'envoûtement sensoriel ne fonctionne pas, la merveilleuse alchimie trouvée par "Call me by your name" n'ayant visiblement pas de recette brevetée.
Evidemment Guadagnino sait magnifier les corps, (c'est un ballet gracieux qui nous permet de découvrir le corps Suave de Zendaya en petite tenue, avant que la caméra ne glisse vers sa cicatrice), sait nouer le désir amoureux (la première apparition de Tashi sur le court devant les mines interdites de Art et Patrick), initier le trouble également, dans ce triangle amoureux ou les deux amis sont hypnotisés comme prisonniers de la belle; et Challengers semble tout du long empreint de la chaleur de l'été et d'une ardeur incandescente.
D'emblée, l'enjeu est posé par un match de tennis acharné entre les deux hommes nommés,, en finale d'un tournoi du circuit challenger, fil d'Ariane qui ne trouvera son dénouement qu'à la fin du métrage. A la faveur d'un récit situé dans le passé à deux époques, treize ans auparavant lors de la rencontre des deux hommes avec la belle, et la veille du match, on comprend que la victoire n'est pas le seul enjeu, mais que les tennismen luttent dans un combat de coq métaphorique pour gagner le cœur de la poule, pardon de la dame (oui il est également question d'animalité !), épouse (et coach) pourtant du seul Art, mais toujours poursuivie par les assiduités de Patrick qui fut "son homme" treize ans auparavant.
L'intrigue et les enjeux sont classiques, c'était donc attendu, mais n'évolue que très peu; et si les rebonds des balles jaunes sont parfois étourdissants, ceux du récit sont bientôt réduits à néant, et le film s'enlise un peu dans une langueur qui elle , n'éveille pas les sens, les personnages, figés agacent un peu, et les belles promesses du début s'étiolent...
Nous nous consolerons avec le troisième pilier de l'art de Luca : une élégante narration par l'image avec une caméra qui s'attarde brièvement mais opportunément sur une alliance pour suggérer un mariage, le regard devenu fixe de Tashi, indécise, qui ne suit plus les échanges entre ses prétendants, une tempête au dehors qui accompagne les tourments intérieurs, un champ contrechamp pour un "dialogue" à trois dans lequel Tashi est assise face à deux hommes debout, dans une position royale qu'elle occupera durant le match, trônant au centre de la tribune assistant à ce combat de gladiateurs. Et puis évidemment Guadagnino esthète du désir régale avec des échanges très sensuels dans une belle scène à trois, et revisite la capture filmée des matches de tennis posant sa caméra sur ou sous le filet donnant même la sensation dans une séquence étourdissante qu'elle est posée sur la balle.
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