Critique originale sur Le Mag du Ciné.
Cette édition Un Certain Regard est riche de petits bijoux cinématographiques. Après la claque Papicha, la beauté d’Une grande fille, c’est au tour de Christophe Honoré de présenter son film Chambre 212. En compétition l’an dernier avec Plaire, aimer et courir vite qui s’éloignait un peu de ses œuvres précédentes, le réalisateur français revient très inspiré avec un film qui aurait davantage eu sa place en Compétition que le précédent.
Chambre 212 est un condensé de tout ce qu’Honoré peut offrir de mieux au cinéma français, un casting rempli de charmes où lorsque les rôles se mêlent, s’entremêlent avec les époques, le spectateur ne peut que vibrer. Camille Cottin, Benjamin Biolay, Vincent Lacoste et Chiara Mastroianni forment un quatuor dont on aurait tort de se priver. Honoré avait déjà offert un joli rôle à Vincent Lacoste dans son dernier film mais retrouve l’acteur une seconde fois ici en lui offrant le personnage idéal qui permet au comédien de briller de naturel et de lâcher sa nonchalance au profit d’un charme irrésistiblement innocent. Chiara Mastroianni rentre elle aussi dans son personnage taillé pour elle, une femme assumée aux multiples amants, aux prises avec l’époque mais dont le cœur renforce les rires et les joies. Le cinéaste signe une déclaration d’amour à ses acteurs (c’est sa cinquième collaboration avec Chiara Mastroianni) qui leur permet de jouer à cœur ouvert, et à l’amour lui-même, comme à son habitude. Le personnage de Chiara Mastroianni porte le nom de sa mère dans la vraie vie -Catherine Deneuve-, et on pourrait facilement faire l’analogie entre ces deux femmes dans lesquelles elle trouve beaucoup d’elle et s’en saisit pleinement. Chiara Mastroianni, muse d’Honoré comme Catherine Deneuve, muse de Téchiné, c’est un grand oui pour le cinéma français.
Christophe Honoré filme ses acteurs comme dans un théâtre en renouvelant totalement sa manière de capter les actions avec beaucoup de plongées. Le cinéaste soigne sa mise en scène avec un talent assez innovant, des positionnements précis pour mettre les acteurs en valeur, des scènes de groupe avec tous les amants de Catherine qui épatent l’œil. Christophe Honoré est définitivement un grand metteur en scène et directeur d’acteurs. L’énergie est vive, le film passe d’un personnage à un autre comme pour accentuer le méli-mélo de personnages et le film devient un gigantesque swing aux mélodies de piano à travers lesquelles Honoré rend hommage à ses idoles. Ceux qu’il aime tant, dont il insère les références dès qu’il en a l’occasion, ce qui lui a d’ailleurs valu la création d’une pièce de théâtre intitulée Les idoles, pour laquelle Marina Foïs (jury pour UCR cette année) a dernièrement obtenu un Molière. Le cinéma du réalisateur est plein de références, en partie dans son genre qu’il emprunte un peu à Woody Allen, qu’il remercie à la fin du film, pour se l’approprier complètement, à la française et surtout à la Honoré.
Non musical et pourtant, comme toujours, la musique a une place assez phénoménale dans Chambre 212. Aznavour, Donna Summer, Scarlati, Jean Ferrat, le cinéaste s’amuse de propositions et chacune des émotions et des tonalités proposées par ce lien unique entre les chansons et les personnages font toujours des scènes réussies. Des failles aux rires, des tirades amoureuses aux moments légers et parfois loufoques (le faux Aznavour), Chambre 212 est une des œuvres les plus abouties de son réalisateur. De l’Amour.