Le dispositif est très intéressant, s'interroger sur le devenir du cinéma en faisant monologuer pleins de grands réalisateurs dans un dispositif aussi sobre, ça pouvait donner que quelque chose de bien.
Alors d'emblée, on commence sur Godard qui met la barre très haut, avec son charisme naturel forcément. Puis après, on a quand même plusieurs interviews intéressantes qui jouent un peu avec le concept du film, comme Herzog qui enlève ses chaussures pour discuter d'un sujet si sérieux, ou Wenders qui passe l'enregistrement d'un cinéaste turc plutôt que de se donner la parole à soi-même.
Bon, ça c'était pour la forme très intéressante. Le fond est intéressant aussi, avec l'intervention de Godard, qui trouve sur le vif pleins de petites phrases pour exprimer sa pensée sur la télévision et qui illumine le documentaire avec son charisme naturel, mais aussi, celle de Paul Morrissey, réalisateur méconnu du médiocre Flesh for Frankenstein entre autres, qui explique que le désintérêt du cinéma est lié au fait qu'il n'y a plus de personnages. Bon, je suis pas d'accord (en même temps sa prédiction est assez fausse), mais pourquoi pas. Après, il y a l'interview très intéressante de Spielberg sur le prix du cinéma, qui réfléchit à combien couterait Jaws dans les années à venir. Ça laisse pensif. Et puis on a Antonioni, qui derrière sa modestie fait probablement l'intervention la plus pertinente avec celle de Godard en prédisant un phénomène qui n'était pas encore trop important à l'époque: l'explosion des VHS et des DVD. Pour Godard, c'est parce que le spectateur a moins peur d'une petite image dont il est proche que d'une grande image éloignée. Pour Antonioni, c'est juste une intuition formidable qu'il a, alors qu'il réfléchit à son avenir de réalisateur de spectacle, comme quoi il devrait s'adapter aux changements du public. C'est assez drôle quand même qu'un auteur assez inaccessible comme Antonioni se pose ce genre de questions d'ailleurs, mais bon...
Bref, un documentaire assez riche en bonnes idées, à voir surtout pour Godard, Spielberg et Antonioni, sachant que le film est bien monté parce que ces trois interventions doivent bien occuper la moitié du film, les autres réalisateurs se succédant plutôt rapidement devant la caméra. Et puis c'est toujours intéressant de voir des cinéastes, pour la plupart assez méconnus au demeurant, parler devant la caméra, surtout dans un dispositif aussi minimaliste et d'observer leurs réactions, de les entendre de parler spontanément de leur art, et régulièrement, d'entendre quelque chose de beau.