L'entame de Chanson douce, le roman goncourisé de Leïla Slimani était délicieusement horrible. Et tout le reste du livre, en un immense flashback, racontait comme on en était arrivé là. Son adaptation n'a pas pris le risque du dénouement révélé dès le démarrage : le schéma est plus classique, en un progression dramatique auprès de cette nounou qui était presque parfaite. Ce qui donne une fin de projection de film d'horreur et sans doute traumatisante pour ceux qui ne connaîtraient pas les tenants et aboutissants de l'intrigue. Sinon, la mise en scène est plutôt correcte et le montage malin, consistant la plupart du temps en des scènes coutes qui s'enchaînent avec une belle fluidité, sans trop donner d'informations d'ordre psychologique. Cependant, outre Leïla Bekhti et Antoine Reinartz, c'est bien Karin Viard qui est censée être le pivot du film, oscillant entre douceur et étrangeté. Elle livre une composition majuscule mais parfois sur la corde raide, pas très loin d'en faire trop pour suggérer la monstruosité intérieure de cette femme. On imagine ce que Polanski, par exemple, aurait pu tirer de cette histoire, basculant vers le malaise. Plus volontiers prudente, ou obligée de l'être par des impératifs commerciaux, la réalisatrice Lucie Borleteau a essayé de trouver un équilibre pour ne pas s'aliéner le "grand" public en le sortant trop violemment de sa zone de confort. D'où l'impression un peu mitigée que l'on peut ressentir à l'issue de la projection, d'autant plus si le roman reste bien ancré dans la mémoire. Le très bon livre de Leïla Slimani est devenu un film honnête dans la catégorie thriller domestique. On pourra s'en contenter.