- Alors que le cinéma muet vit ses derniers instants, les acteurs Don Lockwood (Gene Kelly) et Lina Lamont (Jean Hagen) sont au faîte de leur gloire. Couple légendaire à l’écran, le public, ainsi que Lina, sont persuadés de l’authenticité de cet amour… Mais Lockwood ne peut supporter son insupportable compagne de cinéma. Alors qu’il débute une romance avec une danseuse, Kathy Selden (Debbie Reynolds), il doit faire face à l’arrivée du cinéma parlant. Le problème est que la voix de crécelle de Lina ne passe pas du tout à l’écran, et que celle-ci ne semble pas vouloir s’en rendre compte…
Malgré un succès modéré lors de sa sortie en 1952, Chantons sous la pluie a acquis au fil des ans un statut de chef-d’œuvre incontestable de la comédie musicale. Aujourd’hui encore, il est bien difficile de s’ennuyer face à un spectacle aussi complet. Les interprétations exceptionnelles de Gene Kelly, mais aussi d’un hilarant Donald O’Connor, d’une Debbie Reynolds pleine de charme, ou d’une Jean Hagen qui incarne avec brio la mégère de service, y sont évidemment pour quelque chose. Les chansons entraînantes d’Arthur Freed aussi, quoiqu’elles ne soient pas toutes mémorables. Mais le point fort du film, ce sont surtout les scènes de danse, hallucinantes, même si elles n’atteignent que rarement le spectaculaire. De fait, ici, ce n’est pas le grandiose qui est recherché, mais les prestations individuelles de chaque acteur qui sont incroyablement mises en valeur par la mise en scène entraînante du duo Donen/Kelly.
On pourra trouver quelques longueurs, mais hormis lors de l’évocation onirique de Broadway, qui, certes, bénéficie de la présence de Cyd Charisse, mais s’étire bien au-delà du raisonnable, il sera difficile de trouver l’ennui…
Enfin, c’est la profondeur du film qui achève de conquérir le spectateur. En effet, sa réflexion sur la dualité entre l’illusion et la réalité au sein du cinéma est illustré avec autant d’intelligence que d’humour lors de nombreuses scènes mémorables (le récit de la vie de Lockwood par lui-même, en totale contradiction avec les images qui nous sont montrées, la scène de baiser avec Lina durant laquelle ils s’échangent toutes sortes de répliques cinglantes, le doublage de Lina par Kathy, etc…). Ainsi, le spectateur découvre un envers du décor bien moins brillant que ne le laisse supposer ce qu’on lui en donne à voir. Et pourtant, c’est bien un hommage à ce monde qui exige des sacrifices parfois durs pour privilégier l’illusion à tout prix que nous offrent Gene Kelly et Stanley Donen avec Chantons sous la pluie. Alors oui, le cinéma n’est somme toute qu’une grande illusion, mais une illusion telle que celle-là, on prend tout de suite !