Singin' in the Rain (quand t'as aucune idée de titre : remplacer le titre français par l'original)

J'ai trouvé ça super ! Je crois que le film aurait été à 8/10 si la partie située au 3/4 du film, avec les morceaux musicaux fantasmés (et super bien réalisés et chorégraphiés), n'avait pas été aussi longue. J'avoue que j'ai légèrement saturé à ce moment là malgré une direction technique (quasi ?) irréprochable. Cela étant dit, il n'est pas impossible qu'en le revoyant ou avec le recul ou même tout simplement parce que j'ai, au fond, vraiment très envie d'aimer ce film au-delà de la raison, j'en oublie ce léger désagrément qui n'a absolument rien de gravement fâcheux.


Mais sinon, à l'instar de films comme Sunset Bouleverad, Ed Wood, Mulholland Drive, et plus récemment, et avec peut-être moins d'envergure, La La Land (dont l'un des mérites est de m'avoir donné envie de me plonger dans cette facette du cinéma américain que je ne connaissais pas vraiment, sinon de réputation, et donc de m'avoir fait découvrir ce classique du duo Donen-Kelly), ce que je trouve de fascinant dans Singin' in the Rain et qui me fait aimer ces films qui abordent ce sujet, c'est qu'il dévoile tout un pan du cinéma (ici américain) et des conditions de tournage d'une production et, dans ce film-là, à une période charnière de cet art : le passage du muet aux films parlants. Le film regorge de scènes fourmillant de détails tous plus savoureux les uns que les autres qui nous montrent la manière dont a évolué le cinéma dans ce contexte ainsi que les conditions d'adaptation de toute une société de production pour se maintenir en terme de concurrence suite à une innovation majeure du cinéma en nous présentant des plateaux de tournages et toute une équipe de production qui doit faire face à cette évolution avec une drôlerie et une énergie folles, bien aidées par les chorégraphies musicales du trio Gene Kelly/Debbie Reynolds/Donald O'Connor. Deux scènes parmi d'autres que je retiendrais notamment (outre le célébrissime - et à raison ! - passage du Singin' in the rain) : celui du micro mal placé et la scène suivante avec la projection test calamiteuse. En deux scènes qui se suivent l'une l'autre, on aborde de manière frontale toute la complexité de la situation : elles sont lucide tant dans leurs précisions (la reconstitution d'un plateau de tournage, la direction d'acteurs dont la profession est fondamentalement repensée tout au long du film, la manière de pallier aux problèmes techniques inclus dans la perspective de faire face au changement) que dans les ressors comiques et humoristiques qui illustrent toute la menace qui pèse sur une société de production qui ne demande qu'à exister et à participer à la grande Histoire du cinéma alors que celui-ci, loin d'être statique, marque un tournant majeur dans son évolution.


Autre chose, la gestion de l'espace : c'est quelque chose de primordial dans un film musical sur le plan chorégraphique et ici c'est parfaitement réussi. Du point de vue de la scénographie, c'est extra. Le tournage en studio permet beaucoup d'inventivité, entre le minimalisme d'un plateau de tournage où se retrouve le couple Kelly-Reynolds qui fait de la facticité de ce plateau un élément qui illustre, au travers d'une jolie séquence musicale (mais pas la meilleure), la réalité d'une relation qui prend peu à peu forme, et la créativité foisonnante d'une longue (et quelque peu laborieuse) séquence musicale, fantasmée et ambitieuse, en passant par la célébrissime et culte scène de la danse sous la pluie (peut-être mon passage préféré).


Dernier point, mais d'importance : le personnage de Lina Lamont, qui est sûrement l'un des personnages les plus horripilants et exécrables qu'il m'ait été donné de voir jusqu'à présent mais peut-être aussi le plus intéressant de tout le film (avec tout le respect que j'ai pour le trio principal).
Jamais le film ne la montre une seule fois sous un jour positif qui amènerait le spectateur à lui témoigner une quelconque sympathie ou de la compassion. Outre le fait que sa voix soit le ressors scénaristique principal autour duquel se construit et avance l'intrigue, c'est aussi par ça qu'est véhiculé tout le ridicule du personnage et ce qu'il implique. C'est une caricature (volontaire) d'une certaine facette peu glorieuse du cinéma et du show-biz (d'antan mais aussi d'aujourd'hui) avec ce qu'il inclut comme superficialité et comme bassesse, destiné à ne pas évoluer alors que le cinéma se modernise à grande vitesse : elle était une star du muet qui n'aura pas réussi à suivre l'évolution et la modernité du cinéma qui aura révélé sa médiocrité et son talent d'actrice au final limité. Mine de rien, c'est ce qui s'est passé pour beaucoup d'artistes à l'époque (dont certains étaient des sommités cinématographiques). De ce côté, le film pourrait être rapproché de Sunset Boulevard qui était une œuvre sombre et désabusée, là où celle de Donnen-Kelly se démarque par un optimisme (quelque peu naïf ?) qui l'emporte sur tout cynisme. Je pense qu'on peut aussi faire le parallèle avec le beaucoup plus récent The Artist de Hazanivicius dont le scénario est plutôt correspondant voir limite calqué sur celui de Singin' in the rain par bien des aspects (bon j'exagère peut-être mais à mon avis pas trop non plus).

Kahled
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le 1 févr. 2017

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