La transition entre le cinéma muet et le parlant est un moment très particulier de l'histoire du cinéma. Le chanteur de Jazz, sorti en 1927 est le premier film employant cette technique.
Chantons sous la pluie parle de cette période de transition où de nombreuses stars du muet se retrouvaient démunies face aux nouvelles manières de faire découlant de l'arrivée en masse du cinéma parlant.
Ode de l'âge d'or d'Hollywood à cette période charnière et difficile de son histoire, Chantons sous la pluie est un film qui prouve que la métafiction n'a rien de récent: Singin' in the Rain étant un film qui parle du tournage d'un film.
Cette sensation est renforcée, car le film est toujours conscient de lui-même et possède à son propre égard comme à l'égard du milieu Hollywoodien un second degré féroce mis en place dés le début par cette séquence des plus savoureuse ou Don Lockwood donne un discours grandiloquent sur la dignité dont il a toujours fait preuve en complet décalage avec la réalité qui nous est montrée, Lockwood passant essentiellement son temps à faire l'andouille pour amuser la galerie avec Cosmo Brown, son complice de toujours; une manière de faire tomber gentiment les idoles de leur piédestal pour remettre les "stars" hollywoodiennes à leur place: celle d'amuseurs.
Le film insistera d'ailleurs plusieurs fois là dessus, notamment lors de la séquence épique Make em laugh ou Donald O'Connor fait un numéro qui tient à la fois du clown et de l'acrobate virevoltant:
Oh, you could study Shakespear and be quite elite,
And you could charm the critics and have nothing to eat,
Just slip on a a banana peel, the world's at your feet
Make 'em laugh, make 'em laugh, make 'em laugh!
Mais Chantons sous la pluie va bien plus loin que ça. C'est avant tout une comédie musicale presque parfaite, qui enchaîne les numéros plus marquants les uns que les autres, tels que le réjouissant Good Morning, l'hystérique Make em Laugh, le délirant Moses Supposes, et bien entendu le fameux Singin'in the Rain qui donne son nom au film et qui 66 ans plus tard fonctionne toujours aussi bien. Il y a toujours une étrange émotion qui me submerge, me noue la gorge, et me met un sourire aux lèvres ainsi qu'une petite larme à l'œil lorsque je regarde cette scène; comme si toute une époque du cinéma vivait entièrement entre les gouttes de pluie qui tombent sur Gene Kelly et au long du superbe décor des rues qu'il arpente. De plus, le film se trouve être également une petite merveille de comédie en dehors de ses numéros musicaux (ce qui n'est pas toujours forcément le cas pour toutes les comédies musicales).
Tous les acteurs y sont impériaux, que ce soit Gene Kelly et Donald O'connor qui se donnent la réplique avec un plaisir communicatif, Debbie Reynolds, parfaite dans son rôle de jeune première, Jean Hagen si drôle en jouant de sa voix dans le rôle de Lina Lamont, mais même les seconds rôles ne sont pas en reste.
Si Singin'in the Rain n'est pas parfait, c'est peut-être uniquement du à la longue séquence du Gotta Danse et les péripéties qui s'ensuivent; pas que la séquence soit mauvaise en soi, mais en ce qu'elle n'apporte au final rien de plus au récit, et parait bizarrement détachée du reste du film. Mais gageons que ça ne grève en rien le plaisir que l'on prend à regarder (en ce qui me concerne pour la dixième fois) ce qu'on peut légitimement qualifier de chef d'œuvre du genre.
Pour toutes ces raisons et encore bien d'autres, Singin' in the Rain est un film qui, décidément, garde encore aujourd'hui une fraicheur quasi intacte.