Un peu oubliée aujourd'hui, Coline Serreau a pourtant (il est vrai brièvement) occupé une place importante dans le paysage du cinéma français. Si son nom est immanquablement associé au sympathique mais vieilli "Trois hommes et un couffin", elle a par la suite réalisé quelques films plus engagés, notamment « La crise » ou « La belle verte » avec l'engagé également Vincent Lindon, "passé" depuis chez Stéphane Brizé autre auteur de cinéma à connotation sociale .
Mais , contrairement à ce dernier, la réalisatrice adopte souvent un ton hybride lorsqu'il s'agit de "dénoncer", empreint d'une certaine gravité, toujours teintée d'un humour parfois acerbe. Ses personnages sont toujours décalés, un peu moqués mais toujours avec tenbdresse, ce qui donne une curieuse alchimie entre un propos corrosif et des situations burlesques voire un peu ridicules.
Parfois, bien sûr et c'est le cas ici, ce mélange des genres nous perd un peu, instille un doute certain sur la capacité de la cinéaste à contrôler son récit.
Dans chaos, l'interrogation survient dès le remier tiers du film. Passée la première scène assez saisissante, qui met en lumière l'absence de réaction d'un couple bourgeois (Paul et Hélène) qui assiste au passage à tabac d'une prostituée sur le capot de leur voiture, avant de prendre la fuite sans porter secours à la jeune femme ; et après quelques développements sur la vie de couple construite autour de l'égoïsme désarmant de chacun des membres de la famille, le métrage entre dans une succession de longues scènes improbables.
Hélène (Catherine Frot), bobo agaçante se découvre une vocation sociale en assistant l'accidentée Malika (Rachida Brakni) dans sa rééducation, œuvrant au milieu du personnel de l'hôpital tout naturellement (?), mais également en "cassant des gueules", celles des proxénètes (campés par des acteurs assez peu crédibles en types violents). La farce n'est pas loin, d'autant qu'e,n parallèle et dans une belle confusion, le film s'attarde sur les déboires domestiques de Paul (V.Lindon), perdu sans sa femme et sur le fils du couple jeune adulte volage, le tout sans une once de cohérence entre les scènes. Bref, c'est le chaos total à tous les niveaux.
Et puis, petit à petit le personnage de Malika prend de l'épaisseur, elle raconte son histoire, très caricaturale dans un premier temps, puis touchante, et c'est un tout autre film qui commence où derrière l'idée d'une vengeance, Serreau dévoile les fragilités de ses personnages principaux, tisse des liens d'affection, de complicité entre eux. Et presque malgré nous on se prend de sympathie pour les membres de cette famille (re)devenus humains, et évidemment pour cette fille (Rachida Brakni est impeccable) et également pour ce film qui semble venir d'une autre époque, objet indéfinissable, mais frais et joyeux. C'était ça le cinéma de Coline Serreau et il nous manque un peu...