Dans une certaine mesure, Chappie est profitable à la carrière de Blomkamp (révélé en 2009 par District 9) : ce troisième film vient nous assurer de l'inaptitude du cinéaste à dominer et plus encore à pénétrer des sujets ambitieux. Lorsqu'il en prend acte et le spectateur avec, le film peut s'épanouir à son niveau, comme une bluette futuriste un peu idiote mais finalement pas si antipathique, avec son joli petit mobilier intellectuel creux de A à Z. Une certaine audace habite ce Chappie mais ses concepteurs sont tellement dépassés que tout élan un temps soit peu réfléchi s’essouffle instantanément. Un déluge de bruits chasse l'autre, les Die Antwoord sont à leur place et tous leurs acolytes parfaitement à la hauteur en terme de stupidité sinistre et de vaines fureurs.
L'écriture est médiocre et l'ensemble des personnages sont misérablement croqués, les habitants de la jungle urbaine sont au-delà de la caricature et de la bouffonnerie, la reine-mère de la SF elle-même (Sigourney Weaver) est salie par l'un des rôles les plus pitoyables de sa carrière. Celui qu'elle détenait dans Avatar est génial en comparaison. Les manières sont ultra brutales, le tempo frénétique et pourtant le résultat est assurément ennuyeux pendant tout le premier tiers au moins ; ou plutôt, il n'y a que l'ennui à disposition lorsqu'on ne souffre plus du poids horrible de ce qui s'apparente d'abord exclusivement à une grosse merde assertive. À partir de l'abandon de Chappie dans Johannesburg, le film s'améliore considérablement, sans pour autant se transformer.
Le robot est en effet l'unique personnage intéressant au programme, à l'exception de sa mère interprétée par Yo-Landi. Il apporte à l'oeuvre portant son nom une certaine force émotionnelle et permet de mobiliser l'attention sur quelque chose de solide, au milieu de la jungle que constitue ce spectacle. Car les concepteurs de ce film semblent ne pas trop savoir ce qu'ils sont en train de mettre au point. Le résultat est bête et toutes les opportunités sérieuses offertes par le contexte projeté sont ignorées, au bénéfice d'une rafale de happenings de ploucs. Il n'y a guère que la mascotte pour apporter un peu de sensibilité et rendre consistante l'animation, encore que son absence d'autonomie lui interdise de corriger le champ de ruines dans lequel elle déambule.
L'inspiration visuelle est bien meilleure que sur Elysium mais la Blomkamp'touch se dissout. Le cinéaste pioche clairement le style des autres (Appleseed, Robocop), voir imite les grands films d'action US du moment en nuançant par son Johannesburg pseudo chaotique. Du sous-Danny Boyle haut-en-couleur et sapant tout ce qu'il recèle, jusqu'à l'OST d'Hans Zimmer excellente en tant que telle et employée d'une manière assourdissante, ridiculement affectée et sans le moindre souci de congruence avec les scènes en présence ; en fait, presque dérangeante. Il faut bien l'avouer tout de même, cette façon de plonger bien à fond dans la bêtise, cette faculté à repousser les limites de la niaiserie à défaut de prendre son sujet en main rendent la séance assez fascinante. La balade est idiote mais il trop turbulente pour laisser froid.
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