Première adaptation du livre culte de Roald Dahl, Le Charlie et la Chocolaterie de 1971 se démarque de son petit frère de 2005 par le charme de l'époque à laquelle il fut réalisé. Mis au point au début des années 70, il écope de l'âme carton-pâte du fantastique des long-métrages de la décennie, kitsch craquant directement tiré de la Science-fiction (films d'aliens, de monstres et de découverte de planètes étrangères) des années 50-60.
Son code couleur est lui-même le fruit de la folie visuelle qui s'empara des 60's : pétaradant, bourré d'inventions au goût possiblement douteux et de sculptures de sucreries aux formes exubérantes, cet épisode phare (du fait de sa popularité et de sa réputation de film culte) de la série des adaptations de l'auteur paraît pourtant en retard d'une dizaine d'années dans le paysage cinématographique de l'époque.
Son humour lui-même sent les années 60, et n'aurait pas fait tâche au sein d'une comédie musicale Disney en film live : pas étonnant, alors, d'y croiser quelques moments chantés (effroyables, d'ailleurs) par les abominables Oompa Loompa, sur des mélodies pour la plupart réussies, des paroles enfantines comme il faut et des expressions faciales traumatisantes. Outre leur maquillage douteux, ce sont leurs yeux qui perturbent le plus, tant ils semblent habités par l'esprit du diable.
Blague à part, ils s'inscrivent au côté des Teletubbies dans le podium des figures de l'enfance flippantes quand arrive l'âge adulte; quelle drôle d'impression de les découvrir sans les avoir connus gamin, comme si le spectacle allait aspirer votre âme (ce n'est pas si loin, en faute de goût pour les gamins, de l'arme de Nigma et l'esthétique fluo qu'elle impose à Batman Forever) et s'emparer de toutes vos attentes en matière d'univers coloré.
Il vaut mieux ne pas être sensible aux couleurs flashies pour le voir, et pour l'avoir vécu, vous pouvez me croire : les folies visuelles de cette première adaptation forment un tout cohérent et fidèle à l'oeuvre de Dahl, presque passionnant à suivre et, malgré l'évident coup de vieux que cela à pris, fait effet de source d'inspiration (ou du moins, d'hommages possibles) à l'oeuvre de Burton, qui mêle habilement le conte et le film de 71. L'entreprise était pourtant risquée : tout faire à la main, façon pâte à modeler sans avoir peur du ridicule tient du miracle dans sa réussite. Et le plaisir est total.
Et puis, il y a Gene Wilder et son jeu incroyable. A l'instar de Depp dans le Burton, le long-métrage tourne tout autour de lui : lumineux, constamment hyperactif, il consolide, en les zieutant à peine, chaque personnage qu'il croise. Absolument fantastique d'exubérance, il fait le show pendant l'heure quarante que dure le long-métrage, et laisse sérieusement penser que son talent de comique a joué pour beaucoup dans la décision de réaliser cette adaptation.
Iconique, toujours juste, il mène une relation très réussie avec Charlie, ni trop mignonne ni trop manichéenne, offrant les lettres de noblesse restantes à la superbe représentation du gamin, respecté dans sa personnalité originelle et touchant par son contact naïf et désintéressé d'avec le monde. C'est cela qui le rend si attachant, comme dans le roman de base : cette ultra-gentillesse au sein d'un monde profondément intéressé, pourri jusqu'à la moelle conduit à un fossé avec le reste des personnages, qu'on détestera forcément par leurs personnalités insupportables, qui ne pourra que le mettre en valeur et le rendre adorable.
Réussi en cela qu'il parvient à reconstruire de façon crédible et fidèle l'univers si particulier de Dahl, Charlie et la Chocolaterie est à voir pour tout amateur de l'oeuvre de base et de celle de Burton, tant il propose une alternative intéressante au film pour enfants de 2005. Kitsch et tout en couleur, il en retire un charme unique, finalement plus proche du dessin animé que du long-métrage fait en prise de vue réelle. Audace récompensée par un succès atypique.