Le génie du chocolat en quête de famille

Tim Burton est au sommet, avec une réalisation hyper léchée et caractéristique de son univers, sans jamais tomber dans le kitsch. Son esthétique fait parfaitement écho au message du film. Certes, on est face à un film pour enfants, mais pour l’avoir vu en étant adulte, on se rend compte qu’il va bien au-delà. L'univers, basé sur les bonbons, les inventions, et un monde gustatif magique, déploie l'imaginaire comme rarement un film parvient à le faire, tout en restant ancré dans des thématiques liées à l'enfance, résonnant de façon universelle, aussi bien pour les adultes que pour les enfants.

Ce qui rend ce film particulièrement fascinant, c'est la manière dont Burton réussit à transformer ce qui pourrait sembler enfantin en un miroir des blessures et des obsessions adultes. Cet univers de sucreries et de machineries délirantes n'est pas seulement une fable visuelle pour émerveiller les plus jeunes : c’est aussi l’histoire d’un créateur tourmenté, hanté par sa solitude et un passé parental oppressant. Wonka n’est pas qu'un personnage loufoque incarnant le cliché de son empire du chocolat, c’est aussi un homme qui souffre de son manque de communication avec l'extérieur.

En organisant cette visite surprise, Wonka finit par comprendre que son blocage créatif remonte à son enfance et à ce conflit avec un père qui ne l’a jamais vraiment compris. Ce thème, souvent présent dans les récits hollywoodiens, est ici traité avec une profondeur émotionnelle et une touche de dérision, lui redonnant un sens neuf et inattendu. Derrière l’excentricité de Wonka et son obsession pour l’abondance de chocolat, on perçoit soudain un manque à combler. Cette révélation démystifie l’image de Wonka, qui passe de l’archétype de l’artiste fou et extravagant à celle d’un être humain vulnérable. C’est particulièrement surprenant pour un personnage si caricatural qu’il semblait presque inhumain, comme un personnage de cartoon, ce qui est parfaitement rendu par le visuel et l'écriture du film.

Je pense aussi que c’est grâce à l’interprétation de Johnny Depp, qui rend le personnage de Wonka mystérieux et totalement incernable. Lorsqu’on plonge dans son intimité purement humaine, on ne peut pas rester indemne. On est toujours dans une certaine distance, un malaise planant, et Depp parvient à ajouter une dimension de mystère et de mélancolie, rendant Wonka insaisissable et vraiment fascinant.

J’ai été particulièrement touchée par cette dernière scène où Wonka reste dîner avec la famille de Charlie dans leur vieille maison. Au début, on pourrait croire qu’il n’a finalement pas cédé la chocolaterie à Charlie, puisque ce dernier souhaitait rester auprès de sa famille. Mais lorsque le plan s’élargit en un travelling arrière, on réalise qu’ils sont en fait dans le jardin comestible de la chocolaterie. Ce geste prend alors une toute autre signification : Charlie a pu rester avec sa famille, tandis que Wonka, en quelque sorte, s’est fait « adopter ». Eh oui, car au fond, c'était pas un héritier qu'il recherchait, mais bien une famille. Il a même reconstruit leur maison, celle qu’il avait détruite avec son ascenseur de verre volant. Et lorsque la neige commence à tomber, ce n’est pas seulement pour ajouter une touche décorative. Après tout, dans ce jardin, tout est comestible… Et le froid, c'est ce qui empêche le chocolat de fondre...