Ronchon et rigolard, Charlie pourrait passer pour un original, gentil rebelle qui s'acoquine tant bien que mal avec les policiers blancs, les aides d'État et sa condition précaire. Mais alors qu'il trimbale sa vieille carcasse dégingandée dans la réserve aborigène contrôlée, on devine qu'une sourde douleur l'habite.
Héritier déshérité d'une terre qui fut celle de ses ancêtres, à mi-chemin entre traditions perdues et quotidien cahin-caha, rejetant tout "ce que les blancs ont apporté", cigarettes, alcool, malbouffe, Charlie s'interroge et interroge ses amis sur le sens de la vie, alors que l'ombre de la mort approche.
C'est comme un récit d'apprentissage a posteriori, quand Charlie souhaitant vivre dans le bush à la manière de ses ancêtres chasseurs, ou confronté au sort violent réservé aux aborigènes dans la ville de Darwin, nous donne à voir ce que l'on ne sait pas du sort de ses frères et sœurs, dans un pays n'en finissant pas de prolonger l'héritage colonial.
Porté par l'interprétation habité de David Gulpilil, comédien co-scénariste, Charlie's country adopte la forme d'une tragi-comédie pour nous transmettre la profonde mélancolie qui l'habite. C'est la douleur de ne se sentir personne nulle part, la peur de mourir seul, la colère d'une injustice criante, le plaisir de se jouer des occupants, de contredire un médecin raciste, de pêcher un poisson avec une lance, la joie d'être un homme sur terre, le bonheur enfin d'accepter de transmettre. Tout cela à la fois, humaniste, universel, drôle et désespérant, le film de Rolf De Heer ne peut pas laisser indifférent.