On se calme et on boit frais à Hong Kong
Chasing Girls est un film important dans l'industrie du cinéma Hong Kongais des années 80. En premier lieu parce qu'il s'agit d'une des œuvres majeures de la Cinema City au même titre que Aces Go Places, produit l'année suivante. Grâce à l'énorme succès du film (2ème au box office local pour l'année 81), la toute jeune compagnie pouvait prétendre être un acteur majeur de l'industrie locale. Position que le studio conservera sur près de 10 ans.
Le film marque également un authentique changement de style de l'ensemble de la production locale. Jusque là, c'était surtout les films en costumes qui avaient dominé le box office. Il y avait bien quelques prémisses d'un nouveau style, plus urbain et contemporain, à venir dans certains long métrages des années 70 mais leur manque de réussite commerciale (Jumping Ash), leur volonté artistique trop marquée (les tout débuts de la nouvelle vague) ou leur style singulier inimitable (les films des frères Hui) empêchaient l'amorce d'un mouvement de grande ampleur. Chasing Girls résout tous ces problèmes en adoptant un scénario simple et en affichant des ambitions divertissantes évidentes. Le film de Maka n'est pas une œuvre novatrice ou avant-gardiste mais la consécration commerciale d'un mouvement déjà bien amorcé. Son succès aboutira à une flopée d'imitations ou adaptations qu'on peut rassembler sous l'appellation « films de drague ». Plus largement, il accompagnera la consécration des histoires urbaines qui domineront le cinéma local pendant près de 10 ans.
Chasing Girls ne rencontra pas cet énorme succès par hasard. Le film utilise, en effet, habilement des recettes qui ont fait leur preuve aux USA, lieu d'étude ou de travail d'une bonne partie de l'équipe pensante de la Cinema City.
Cette influence n'est pas la plus visible dans le scénario. Il n'y a guère que le final qui emprunte directement à une autre œuvre en provenance d'outre Atlantique, à savoir The Graduate de Mike Nichols. Mais il s'agit surtout d'un esprit général, immédiatement affiché dans l'introduction prenant justement place aux USA, d'une volonté de rythme et de fraîcheur directement hérité des comédies Américaines des années 60. Un certain nombre de références visuelles empruntées à la culture US enfoncent également le clou : La coiffure afro de Dean Shek, la partie de bowling et surtout un recours régulier (et parfois un peu gratuit) aux cascades mécanisées (alors loin d'être une spécialité Hong Kongaise). Cet ensemble de références est suffisamment dilué au sein du récit pour qu'on n'ait pas à parler de copie mais bien d'hommage.
Chasing Girls est un travail d'équipe mais c'est surtout l'apothéose de la carrière de Dean Shek qui est ici au cœur du film, acteur majeur autour duquel tout le scénario gravite. L'idée que le meilleur gobeur d'œuf du cinéma de HK (Odd Couple), que l'incroyable imitateur de Charles Chaplin (Laughing Times), que l'inoubliable neuneu de A Better Tomorrow II ait tous les feux concentrés sur sa personne pouvait faire légitimement peur. Et pourtant, Shek se montre à la hauteur. Bien sûr, son jeu n'est pas à proprement parler subtil, ce serait trop demander. Mais il compose un personnage de dragueur loser amusant qui sera d'ailleurs repris régulièrement par d'autres acteurs par la suite (en particulier Nat Chan). Son interprétation est énergique et, pour une fois, ses grimaces et autres attitudes outrées parviennent à arracher quelques sourires. Ses techniques de séduction ne sont qu'entourloupes et coups fourrés juste dignes du premier avril mais c'est ce décalage entre l'apparence ridicule du héros, de sa pseudo connaissance de la drague et les étonnants bons résultats qu'il connaît que l'humour fait mouche. Shek lui-même se montre carrément surprenant lors d'une courte, mais fun, séquence disco et surtout durant la partie de bowling où il parvient à faire des strikes dans des positions improbables le tout en un seul plan !
Le reste de la distribution est moins mis en avant que le brave Dean mais lui donne la réplique avec efficacité. C'est particulièrement le cas de la pétillante Nancy Lau et de l'inévitable sidekick joué par Eric Tsang. On notera également un réjouissant caméo de Samo Hung et Karl Maka au tout début du métrage !
Avec son concept mettant en avant le personnage de Shek et la manière dont il se joue de ses conquêtes, on aurait pu craindre un sous texte par trop misogyne. Chasing Girls souhaitant fédérer un large public ne va pas dans une telle direction, préférant jouer le jeu d'une morale conservatrice. Ainsi, les mauvaises actions de Robert seront punies quand il deviendra à son tour victime des (gentilles) manipulations de Fa. Et, au final, ce seront les aînés qui seront gagnants, réussissant à marier leur progéniture comme il le faut pour les gens bien. Une posture traditionnelle qui ne risquait pas de choquer les mentalités locales de l'époque.
Sans être une comédie de très haut niveau, Chasing Girls est un divertissement efficace malgré ses plus de 20 ans d'age. C'est surtout de par sa longue influence sur la production locale que tout fan de cinéma Hong Kongais (pas juste d'action) trouverait intérêt à le visionner.