Cœur primal.
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"Man Hunt" de Fritz Lang débute par une véritable mise en condition du spectateur avec juste les mots "quelque part en Allemagne, avant la guerre" avant de s'enfoncer dans une forêt très touffue.
Le spectateur qui ne connait que le titre du film voit alors un homme qui s'installe sur le bord d'une falaise et observe au loin. On est bien en phase avec le titre. Le gibier humain apparait et c'est Hitler ! Dans un premier temps, il vise avec son fusil à blanc et appuie sur la détente. Dans un deuxième temps, il met une balle mais on ne saura pas s'il va tirer car il est alors surpris par un soldat qui le fera prisonnier.
C'est une des plus belles introductions de film que je connaisse.
Ensuite le scénario va pouvoir se dérouler suivant les deux options.
Soit il allait tuer (sur commande du gouvernement anglais, c'est l'option retenue par les allemands), soit ce n'était qu'un jeu comme tout jeu de chasse ou de pêche où le jeu n'impose pas de tuer le gibier mais de se mettre dans la position où il pourrait le faire et réussir (c'est l'option que défend le chasseur anglais Thorndyke qui n'a agi, seul, que par goût du sport).
L'enjeu politique est énorme puisqu'on est à quelques jours ou semaines avant le début de la guerre dans une ambiance internationale survoltée : le premier (anglais ou allemand) qui fait un faux-pas sera le responsable du déclenchement des hostilités. D'où l'enjeu de la signature requise par les allemands, d'où aussi, le fait que Thorndyke n'est pas simplement assassiné sans autre forme de procès.
Ensuite, dans ce contexte, le film devient une autre chasse à l'homme celle de Thorndyke (Walter Pidgeon) par le nazi (Georges Sanders) qui le poursuivra à Londres.
Comme souvent chez Fritz Lang (Règlements de compte, par exemple, qui débute aussi de manière anodine et plutôt enjouée), une fois que les cartes sont posées sur la table, la tension monte au maximum et n'est que très rarement relâchée dans le film.
Ici, les moments de relâchement vont être la rencontre avec Jerry Stokes (Joan Bennett), gentille et charmante petite grisette avec son accent faubourien puis la visite chez le frère de Thorndyke de la haute société, l'achat de la broche chez le bijoutier qui parle allemand, toutes ces scènes étant bourrées de petites trouvailles scénaristiques qu'il serait trop long de détailler comme, par exemple, la belle-sœur de Thorndyke qui se met involontairement à parler en argot après avoir discuté avec Jerry ... La scène de la séparation sur un pont londonien est d'une intense émotion juste avant de retrouver la tension de la chasse à l'homme. Quelle belle construction de la mise en scène !
Walter Pidgeon, Georges Sanders, tous deux grands chasseurs s'affrontent mais en d'autres circonstances, dans un autre contexte, ils auraient pu être amis. C'es aussi un message de Fritz Lang.
Quant à Joan Benett, actrice qui jouera d'autres fois avec Fritz Lang, elle représente l'indispensable trait d'union entre les couches de la société. Encore un acte de foi de Fritz Lang qui est un vrai leit motive dans ses films.
A la fin du film que je n'ai pas envie de dévoiler dans le détail, Fritz Lang conclut que la fuite devant le chasseur, avec toutes les ruses qui conviennent pour s'échapper, n'est décidément qu'une option de perdant. A un moment donné, le gibier, s'il veut survivre, doit affronter le chasseur.
Même si le gibier (Thorndyke) dit à l'allemand qu'il "n'aime pas la force"
Quelle allégorie ! Quel chef d'œuvre !
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Créée
le 14 janv. 2021
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