Je crois bien que Chers camarades est le premier film que je vois de Andrey Konchalovsky et c'était vraiment un beau film. Déjà plastiquement le noir et blanc est vraiment réussi, c'est soigné au possible et on a quelques plans, notamment sur la fin, en extérieur qui sont juste à tomber... mais surtout il arrive à rendre touchante l'histoire de cette femme, membre du parti et du comité municipal de sa ville (?).
J'aime sa façon de dépeindre la société soviétique, comment même les plus convaincus doutent du pouvoir en place, doutent de sa capacité à rattraper le niveau de vie de la classe moyenne américaine. Cette histoire est la fin pour son héroïne et ses concitoyens du rêve soviétique.
Cette femme, stalinienne pratiquante (comme toute femme qui se respecte) va donc vivre de l'intérieur une grève qui va tourner en bain de sang et qui va être étouffée par le pouvoir. La construction de sa personnalité est intéressante puisqu'elle est partagée entre sa foi dans le soviétisme, bien qu'elle n'approuve pas nécessairement certaines décisions, notamment la hausse des prix, et le fait de retrouver sa fille portée disparue après que l'armée (d'après la version officielle) ait ouvert le feu sur les grévistes.
Un vrai beau personnage féminin, tiraillé entre son rôle de mère et ses convictions politiques.
Mais surtout, à ce drame familial Konchalovsky montre les rouages politiques qui amènent à des prises de décision, comment sont manipulés les faits, les personnes pour réussir se couvrir, dissimuler la vérité, etc. C'est une entreprise glaçante qui est à l’œuvre, mais pas totalement déshumanisée, puisque l'héroïne trouvera l'aide d'un agent du KGB. Et réussir à montrer les gens qui obéissent par peur d'être fusillés, tout en gardant une part d'humanité face à une mère désemparée, c'est assez touchant.
Je note juste que si la scène où on se met à tirer sur la foule a marqué pas mal de spectateurs, ce passage m'a moins marqué que la même scène dans un Bloody Sunday par exemple. Peut-être que la mise en scène est trop propre, trop soignée, pour réellement retranscrire l'horreur d'une tuerie (bien que la fille qui se prend une balle dans la gorge secoue pas mal) et je la trouve bien plus adapté pour décrire les rouages du parti ou le drame familial...
Sinon, le film m'a rappelé ma vocation : devenir commissaire politique.