Une ville de province dans le sud de l'URSS en 1962. Lioudmila est une fonctionnaire farouchement dévouée au Parti Communiste. Sa fille décide de participer à la grève d'une usine locale et les événements prennent une tournure tragique. Les autorités dissimulent la violence de la répression. Lioudmila se lance alors dans une quête éperdue à la recherche de sa fille disparue.
Chers camarades ( Дорогие товарищи, Dorogie tovarishchi) est un drame historique russe réalisé par Andreï Kontchalovski, sorti en 2020.
Liouda
Au centre de cette histoire se trouve Lioudmila Siomina 'Liouda', une communiste intransigeante, nostalgique de l'époque stalinienne. Elle considère que Nikita Khroutchev a bradé l'héritage du Petit père des peuples, disparu en 1954. Economiquement, le pays va mal, l'inflation augmente, dans certaines usines les salaires baissent. Malgré ce contexte dégradé, Liouda affirme publiquement lors d'une réunion que face à la colère qui gronde, les grévistes d'une usine qui fabrique des locomotives doivent être réprimés durement et exécutés. De plus, les habitants de la région sont jugés peu fiables par le pouvoir central compte tenu de leur origine cosaque et de leurs agissements sous le régime communiste.
A la maison, Liouda est pourtant très minoritaire entre son père qui considère les communistes au pouvoir depuis 2017 comme des criminels et Svetka, sa fille, ouvrière qui va se joindre au mouvement de protestation qui débute à Novotcherkassk.
Révolte et répression
Des milliers de travailleurs convergent vers le centre de la ville où sont réunies les autorités administratives locales. Il s'en prennent aux batiments publics. Le pouvoir central envoie sur place le KGB, des snipers et des hommes de la garde rapprochée de Khroutchev. L'ordre est donné par le général déféré sur place de faire feu. Les snipers tirent à feu nourri sur les manifestants. L'administration reprend les choses en main, la rebellion est ecrasée. Le couvre feu est instauré. Les interrogatoires se multiplient, les personnes interrogées par le KGB signent une clause de confidentialité qui sera punie de la peine capitale en cas de rupture du secret.
Les arrestations se multiplient mais Svetka ne réapparait pas. Liouda la cherche dans les hopitaux et à la morgue, en vain.
Ironie du sort: Liouda qui prônait une fermeté sans borne contre les constestataires apprend que sa fille en faisait partie et qu'elle est peut être tombée sous les balles du KGB...
Viktor, l'un des hommes du KGB, sensible au doute qui la ronge, la conduit dans un cimetière où des manifestants abattus ont été inhumés anonymement et clandestinement pour minorer le nombre de victimes. D'après les confessions du fossoyeur, il n'y a pas de doute, Svetka faisait partie des victimes. Effondrée, Liouda regagne Novotcherkassk en compagnie de Viktor. La vodka l'ayant rendu bavarde, elle raconte son séjour sur le front en 1943 en tant qu'infirmière, là où Svetka fut concue avec un militaire, marié et héroique, tombé au champ d'honneur....
Rentrée chez elle, Liouda découvre Svetka sur le toit de son immeuble, elle est en vie....elle s'était cachée chez une amie.
Nomenklatura, files d'attente, mensonges d'Etat.....
Chers camarades! synthétisent tous les maux qui rongent l'URSS en 1962: pénurie pour le peuple, open bar pour les apparatchiks du régime, répression de toute opposition, paranoia, espionnage, dénonciations tout azimut ainsi que les difficultés d'accès aux produits de première nécessité. L'absence de libertés et d'alternances minent de plus en plus le corps social qui ne croit plus aux idéaux vertueux du communisme.
Ils défendent leurs droits constitutionnels et leurs acquis, j'aurais fait la même chose à leur place...
déclare le général qui vient de réprimer durement la rebellion, ce qui en dit long sur ce que pensent réellement les caciques du régime.
A l'issue des faits, la répression sera tue et les faits cachés par le pouvoir. Un bal sera organisé le lendemain.
Trés critique sur un régime politique en voie de décomposition, Chers camarades est une reconstitution habilement réalisée du massacre de Novotcherkassk en 1962, ainsi qu'un portrait saisissant d'une femme de tête, inféodée au régime, en proie au doute face aux évènements.
Compte tenu de son récit vis à vis du passé de l'Union Soviétique, le film a été accueilli fraîchement par les autorités russes actuelles.
Trailer
Le film a remporté le prix spécial du jury à la Mostra de Venise 2020.
Viktor: "Mon général, nous ne parvenons pas à effacer les traces de sang de la place"
Le général: "Réasphaltez la place".
Ma note: 8/10