Si les court-métrages « Wallace & Gromit » ont innové un exercice de style convaincant et pour le mois divertissant, ce remake de « La Grande Évasion » de John Sturges (1963) est une merveille. Peter Lord et Nick Park induisent tant d’éléments faisant écho au camp de concentration et on prend un malin plaisir à soutenir ces poulets en quête de liberté. Le rapport entre l’animal et l’éleveur soulève bien des discussions mais il y a davantage à décortiquer derrière cette ingénieuse carapace qu’est l’animation à pâte à modeler. Et derrière cette technique, on adopte des personnalités qui volent de front face à une fatalité qui leur est toujours destiné.
L’élevage, pour commencer, définit le contrôle du dominant sur son exploitant. Les poules sont réduites à la tâche de produire un quota d’œuf avec régularité. Les plus faibles sont expédiés au châtiment de mort que les Nazis eux-mêmes n’hésitaient pas à employer pour contenir les « nuisibles ». On passe rapidement de l’exploitation à l’extermination et la menace est réelle. L’industrie procure bien des bénéfices dans le monde moderne dans lequel nous vivons, mais cela implique de faire évoluer le passé, ou le l’enterrer pour repartir à point. Les deux options s’offrent à nous et Ginger et sa troupe de cocottes donneront le nécessaire pour gagner leur liberté. Notons alors que l’urbanisme émet son influence jusque dans le rural, qui peine déjà à subsister au milieu d’une expansion technologique alléchante, certes.
C’est à la rencontre impromptue avec le mâle que la figure féminine en prend un coup. Alors que l’on s’amusait à introduire des poules enchainer les échecs, il leur fallait un espoir qu’elles trouveront en Rocky, l’américain moyen et fier de l’être. La question du féminisme se pose alors, car la notion de rébellion ne profite qu’à une minorité, en l’occurrence Ginger. Le reste se laisse charmer par le fabuleux Rocky. De plus, Mrs Tweedy revendique également sa présence comme femme forte et ne laisse pas l’homme influencer son idéologie. Bien des éléments appuient ce constant durant cette chevauchée vers la justice, mais qui l’obtiendra au final ?
Et bien que l’ingéniosité soit dans le camp des poules, elles ne parviennent pas à se séparer du mal qui les guette, l’instinct grégaire. Une pulsion forte et commune dans une société qui reste sur ses acquis. La solution est dans le futur et dans les cieux. La présence récurrente du coq écossais n’est pas juste un hasard. Figure paternelle et patriotique, portant fièrement la bannière de la « prison poulailler », il insuffle la sagesse et le respect. Jouant le rôle de guide, on fait écho à la Royal Air Force dont il est la mascotte. Cet ensemble prétend ainsi voler pour échapper inconsciemment à son devoir et sa destinée. Mais la question de révolte prend un sens particulier. Alors que l’intrigue pèse son discours sur la fuite et la passion de l’aviation, on y confond la violence et les mœurs d’une société en déclin.
En somme, « Chicken Run » est d’une richesse surprenante. Bien qu’il parodie sa morale, il parvient à éveiller le subconscient et il finit par réformer un style sur la réflexion intuitive. A la portée de tous, petits et grands trouveront le réconfort, d’une part dans un divertissement de choix, ne manquant pas d’humour pour meubler ce qui semble banalement être une évasion. D’autre part, les thèmes abordés suscite une réaction sur la condition humaine et sa politique dont on prend un malin plaisir à réfuter ou défendre, au nom de la liberté !