L'amitié est un thème cher pour certains cinéastes comme Sergio Leone comme dans Il était une fois en Amérique, ou plus récemment avec Martin McDonagh dans Les Banshees d'Inisherin qui traitait de la fracture entre Colin Farrell et Brendan Gleesson dans une petite île au large de l'Irlande dans les années 20. Dans ces deux films, comme dans Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand, il y a la violence : la violence physique, la violence verbale et la délicatesse des sentiments, surtout entre Dog (Anthony Bajon) et Mirales (Raphaël Quenard). Mirales, on a envie de lui donner des baffes, mais Raphaël Quenard montre une subtilité, une présence, du caractère et beaucoup de folie, comme la réincarnation de Jim Carrey. Anthony Bajon est plus dans la retenue, c'est à peine si on l'entend articuler quelques mots. Dog se laisse faire, c'est le plus discret, le plus soumis des deux. Il se retrouve dominé par Mirales et enchaîné à son village comme un chien dans un chenil.
Car dans Chien de la casse, il y est question de ruralité, du déclin des campagnes, de la France des territoires, mais le village est également un personnage. Un personnage de geôlier qui emprisonne les autres personnages, qui se sentent eux-même prisonniers du village. Les jeunes partent, mais certains restent. Même s'ils sont libres de leurs mouvements, ils se sentent enfermés, rongent leur frein, veulent vivre autre chose que cette vie. C'était très habile de parler de ces jeunes péri-urbains, dans ces villes de province anonymes, laissées à l'abandon, sans évolutions, sans perspectives, sans avenir, où il n'y a qu'un banc pour refaire le monde ou un bar pour trouver un peu de chaleur humaine car situer l'action dans la banlieue d'une grande ville aurait souffert de la caricature.
C'est une histoire d'amitié peu banale. Leur amitié se fracture parce qu'ils se sont assez vus et qu'à force, leur duo était trop petit pour eux deux et n'attendent plus qu'à s'émanciper, un peu comme les Beatles : c'était quatre potes qui, à force de vivre ensemble, étaient trop proches, la promiscuité nuisait à leurs relations et se sont disputés et ont fait leur carrière solo chacun de leur côté. L'amitié de Dog et Mirales ne se révèle vraiment que tard dans le film.
Un ami, c'est quelqu'un avec qui tu arrives à communiquer, avec qui tu t'entends bien, avec qui tu partages des passions, qui t'écoute, qui te comprends, avec qui tu rigoles, qui te réconforte en cas de coup dur, qui ne te juge pas, mais s'il te juge, parfois, c'est pour te donner des bons conseils ou pour te remettre dans le droit chemin, ce que fait Mirales avec Dog, sauf qu'à force de vouloir changer les autres, de l'insulter, il oublie de se changer lui-même.
Cela me fait penser à cette chanson, Pure Morning de Placebo (source : https://www.placebocity.com/paroles-et-traduction-25-pure-morning.html) :
A friend in need's a friend indeed
A friend with weed is better
A friend with breasts and all the rest
A friend who's dressed in leather
A friend in need's a friend indeed
A friend who'll tease is better
Our thoughts compressed
Which makes us blessed
And makes for stormy weather
(Traduction du site Placebo City) :
Amitié dans la peine, amitié certaine
Un ami avec de l'herbe, c'est mieux
Une amie avec des seins et tout le reste
Une amie habillée de cuir
Amitié dans la peine, amitié certaine
Un ami qui taquine, c'est mieux
Nos pensées condensées
Celles qui nous exaltent
Et qui détériorent le temps