Attention aux spoils
"Chien de la casse" est un film qui raconte le quotidien des jeunes dans les petits villages de campagne française. Il a énormément de qualités, notamment la mise en valeur du village en lui-même par l'image, la musique du film, le jeu brillant de Raphaël Quenard, la justesse des dialogues, le parti-pris de ne pas raconter une histoire extraordinaire mais plutôt une embrouille entre potes plutôt banale.
Le plus bel atout du film, selon moi, c'est le refus du manichéisme dans la construction du personnage de Mirales. Comme le dit Durand dans un entretien, le personnage n'est pas méchant au début, puis gentil à la fin : il est complexe, de la première à la dernière scène. Le spectateur reste hésitant tout le long du film.
Avec Dog, il est fraternel, puis paternaliste, puis haineux, puis à nouveau fraternel ; face à la copine de son ami, au restaurant, il devient méchant et violent ; avec la pianiste, il est serviable et aimable ; avec sa mère, il est dévoué puis vindicatif ; avec son chien, il est aimant et touchant...
J'ai beaucoup aimé le choix du réalisateur de montrer un individu réel, incarné, entier, hors des cadres strictes de la morale. Il a une part lumineuse (il est cultivé, intelligent, loyal, généreux) et une part obscure (il est profondément seul, triste, il peut être méchant, voire violent, il peut menacer de frapper une femme, vouloir saboter le couple de son pote, il refoule peut-être une forme d'asexualité ou d'homosexualité)... Et puis, en lignes de fond, on a droit à un début d'explication à ses côtés moins reluisants : il habite dans un trou paumé, sa mère est dépressive, son père est mort, il semble être au chômage, il rêve d'ailleurs mais finit prisonnier de son quotidien...
Sa relation avec Dog est aussi particulièrement intéressante : il y a une sorte de dialectique hégélienne du maître et de l'esclave, une relation d'emprise de Mirales sur Dog, parfois violente et malsaine, et en même temps une dépendance touchante du premier à l'égard du deuxième, enfin un amour sincère mais mal exprimé, mal géré...
Non, franchement, c'était bien. Le seul gros défaut du film c'est le manque de crédibilité de certains choix scénaristiques (je pense à la scène du resto, à certains angles du rapport entre Dog et Morales ou Dog et Elsa, au "coup de pression" sur Dog etc...).