C'était une époque menaçante, une période où le moindre geste ou comportement équivoque représentait un danger réel. Ce temps de l'ambigüité, celui de la dictature de Pinochet, la cinéaste Manuela Martelli l'encapsule à merveille, avec subtilité, tant du point de vue narratif qu'esthétique, dans son premier long-métrage, 1976. A travers le quotidien d'une héroïne, jeune grand-mère, qui appartient à un milieu bourgeois, le film traite d'une prise de conscience, presque "inconsciente", qui devient naturelle, eu égard au tempérament d'une femme libre de ses décisions, quitte à dissimuler ses actes à ses proches. 1976 va à l'encontre de nombreuses fictions consacrées à ces années de plomb chiliennes : le film est presque minimaliste, sans lourdeur psychologique, laissant au hors-champ le soin de composer un paysage que l'on sait tragique. L'atmosphère y est trouble, on pourrait presque dire hitchcockienne, avec un soin particulier accordé aux couleurs (une tâche de peinture sur une chaussure) et aux conversations étouffées de personnages de second plan (les ouvriers, les hommes d'un bar). Actrice elle-même, chez Andrés Wood et Sebastian Lelio, en particulier, Manuela Martelli dirige ses acteurs avec maestria, exigeant un minimum d'effets dans leurs jeux respectifs. A commencer par sa protagoniste principale, l'excellente Aline Kuppenheim, dont l'interprétation frise la pure perfection.