Tous les fornicateurs/libertins/échangistes/politiciens d’expérience vous le diront : « Une c’est bon, deux c’est meilleur ! ».
Riche de ce sage enseignement, c'est une critique non pas sur un mais sur deux films que je vais pondre. Et pas n’importe lesquels s’il vous plaît ! Chinatown et The Ghost Writer, un film noir et un thriller politique: deux Polanski pour le prix d’un; et ses meilleurs, c'est pas peu dire...
Si 35 ans les séparent, ces deux merveilles purement polanskiennes semblent sortir de la même marmite. Proches, tant au niveau de la mise en scène que de l’écriture, ils se répondent et arrivent à la même amère conclusion : les pourris gagnent et gagneront toujours.
Chaleur torride de Los Angeles contre moiteur pluvieuse de Martha's Vineyard; météos opposées mais mêmes emmerdes : un noyé et des magouilles.
Paumés, dépassés, manipulés, malmenés mais toujours tenaces et sarcastiques, Jack Nicholson et Ewan McGregor traînent impérialement leur charisme dans ce bordel. En face d'eux, les menaçants John Huston et Pierce Brosnan bouillonnent d’intensité et de non-dits. Au milieu (sortez cette image de sandwich de votre esprit lubrique), deux femmes vénéneuses et merveilleusement troubles, géniales Faye Dunaway et Olivia Williams, délicieusement charmeuses et cassantes. Polanski est un grand directeur d'acteurs, peaufinant le plus anecdotique second rôle pour ajouter un supplément d’âme et d'humour à ses univers impitoyables.
Richesse, rigueur et concision caractérisent les deux scénarios avec un même goût pour l'absurde discret. C'est aussi une malice semblable dans des dialogues savoureux faits de mensonges à peine voilés, d'hypocrisie onctueuse, d'humour à froid jubilatoire et de piques aussi cinglantes que truculentes. Si l'échelle des intrigues n'est pas la même, localisée pour Chinatown et internationale pour The Ghost Writer, le fond reste le même : les intérêts des uns nuisent aux intérêts des autres, la corruption brise des destins, le pouvoir infecte les hommes et, comme dirait l'autre, on ne nous dit pas tout !
Formellement, la perfection est de mise. Je m'incline devant l'atmosphère et l'ambiance pénétrantes portées par les partitions absolument brillantes de Goldsmith et Desplat, par les photographies à tomber d'Alonzo et Edelman et par les directions artistiques superbement précises.
J'admire la mise en scène épousant le point de vue des personnages principaux qui se réserve de purs moments de génie. D’une course poursuite entre les orangers à une introduction muette sur un ferry, d'une distribution de claques à un travelling terrible sur un bout de papier: la même excellence, un régal absolu !
Et le plus beau pour la fin. Les deux films se concluent sur leur meilleur scène : apogée de la réalisation alors que les héros, à trop vouloir jouer au malin, payent le prix fort (avec retour du magnifique thème musical). Maîtrise totale : montage, cadrage, composition, rythme... Ultimes uppercuts qui font passer les deux films d'œuvres à chefs-d'œuvre.
En plus de trois décennies rien n'a changé. Ni le talent de Polanski, ni les abus des puissants.
Sous le soleil ou sous les nuages, bienheureux sont les ignorants...