En 1970, le paysage du western a bien changé, ce sera la décennie la plus pauvre pour le genre chéri d'Hollywood, en tout cas, il y en aura encore quelques-uns, mais ils seront beaucoup plus réalistes et témoigneront de la mauvaise conscience de l'Amérique dans la conquête de l'Ouest (en filigrane la guerre du Vietnam qui triture les consciences), notamment à propos du génocide indien. Des auteurs novateurs comme Robert Altman, Arthur Penn, Ralph Nelson ou Sam Peckinpah bousculeront les codes traditionnels du western avec leurs films (respectivement John McCabe, Little Big Man, Soldat bleu et la Horde sauvage). Aussi, lors de sa sortie en 1970, Chisum était-il un western un peu anachronique, le dernier à idéaliser l'esprit pionnier et à décrire le Far West selon les règles habituelles.
L'ensemble est basé sur des faits authentiques, John Chisum a réellement vécu au 19ème siècle, c'était le plus gros éleveur de bétail de l'époque ; à sa lutte contre des gens corrompus, s'ajoutent de nombreux thèmes divers : des Indiens opprimés dans leurs réserves, des politiciens véreux, des chasseurs de primes, des conflits entre éleveurs, et même un épisode réel de la vie de Billy the Kid qui fut en effet, l'employé de l'Anglais John Tunstall. Il est décrit ici comme un garçon bouillant mais pas méchant.
Andrew McLaglen est souvent considéré par les puristes du western comme un piètre faiseur ; je ne suis pas d'accord. Fils de Victor McLaglen, acteur fétiche de John Ford, il a toujours cherché à marcher sur les traces du grand maître, en tant qu'admirateur de Ford, il a certes moins de panache et de sensibilité que Ford n'en avait, mais il a réalisé de bons films d'aventure et d'action tels que le Grand McLintock, Bandolero, les Feux de l'enfer, la Brigade du diable ou les Géants de l'Ouest... en exploitant son sens du mouvement, sa manière de filmer les hommes de l'Ouest et les grands espaces, et sa gaillardise de bon aloi. C'est le cas dans Chisum qui reste un de ses meilleurs films, et à ce titre, la bataille finale est un remarquable morceau de bravoure.
En tout cas, j'aime particulièrement ce western, il y a une combinaison d'éléments réunis qui permettent d'avoir un vrai bon western-spectacle, à l'instar des films de guerre-spectacle, c'est à dire qui ne se posent pas tant de questions et qui offrent un aspect divertissant avant tout. Sauf que là, il y a un fond de vrai qui agrémente le sujet et qui donne du poids à l'intrigue.
L'autre atout réside dans l'interprétation, on retrouve comme dans beaucoup de films de McLaglen, une tripotée d'acteurs qui séviront dans les derniers films de John Wayne et d'autres qui jouaient dans les films de Ford (Christopher George, Bruce Cabot, Ben Johnson, Richard Jaeckel, Forrest Tucker...) et qui constituent un entourage d'excellents seconds rôles autour de la star John Wayne qui encore une fois, incarne une certaine idée de l'ordre et de la justice. Je regrette seulement que l'acteur qui incarne Billy the Kid ne lui donne pas un grand relief. N'oublions pas non plus la musique de Dominic Frontiere qui donne du souffle à ce western très divertissant.