Ce biopic est consacré au destin du clown nommé Chocolat, premier artiste noir de la scène française. Dans ce film de Roschdy Zem, on suit du cirque au théâtre, de l’anonymat à la gloire le duo composé d’Omar Sy et de James Thierrée dans le Paris de la Belle Époque, avant que la grande Guerre ne vienne frapper l’Europe.
Alors là, on va faire un point sur l’affiche de ce film pour que ce soit bien clair, des fois que. James Thierrée joue Footit, le clown BLANC. Et Omar Sy joue le clown… auguste ! Quoi, vous vous attendiez à autre chose ?
J’ai entends de ci de là, dans mon entourage et dans la file d’attente du cinéma, « qu’un film avec Omar Sy, ça ne pouvait être que bien ». Alors j’ai envie de répondre ici à ce public qui a eu la chance de ne pas raquer une place plein pot pour Samba, De l’autre côté du périph, Envoyés très spéciaux ou le plus beau bijou de cette liste : Les seigneurs. Non, Omar Sy n’est pas une caution « divertissement assuré ». Par contre, on ne peut pas nier qu’il s’investisse totalement dans son rôle.
Roschdy Zem lui a taillé un écrin dans lequel il peut se permettre d’être un simple, un doux, un flambeur, un joli cœur, un artiste, un contestataire, un idiot, un ambitieux, un philanthrope… un homme à plusieurs facettes. La mine sombre, il faut vraiment noter la présence de James Thierrée dans le rôle du chocolat blanc. Personnage intéressant et écrit pour le film - car un biopic aime se faire menteur – il se glisse dans l’ombre des coulisses derrière le flamboyant Chocolat. Quelques indices sur sa nature sont disséminées à discrétion, sans doute trop. Il ne dépense pas son argent et on ne saura jamais pourquoi sinon pour peut-être investir dans un café parisien qui est un gouffre financier, il gratte un peu de vernis rouge sur l’ongle de son pouce droit… et éconduit un prostitué très maquillé dans un bar interlope.
Parce qu’il faut que je vous le dise : l’histoire de l’artiste Chocolat, qui en s’associant à plusieurs clowns, va changer les habitudes de l’humour, de ce burlesque qui gravera l’idée du duo clown blanc et Auguste (visualiser Laurel et Hardy, les Blues brothers, Chevalier et Laspalès, Valls et Hollande, Bourvil et Louis de Funès, Omar et Fred, euh… j’ai fait le tour). Cyril Gély, écrivain de romans et de pièces de théâtre en a écrit le scénario, comme il l’avait fait auparavant en adaptant une de ses pièces pour le film éponyme Diplomatie de Volker Schlöndorff en 2014 (couronné d’ailleurs d’un César de la Meilleure adaptation en 2015). Roschdy Zem s’entoure des fidèles puisqu’il travaille avec Olivier Gorce qui était le scénariste d’Omar m’a tuer en 2011 et l’auteur de La loi du marché, le film de Stéphane Brizé sorti l’an dernier.
Filmé académiquement, avec grands renforts de costumes, d’accès à des lieux mythiques comme le Nouveau Cirque de Paris, Chocolat est un film très romancé porté par un acteur qui profite de l’estrade pour parler de la reconnaissance des Noirs dans une France coloniale et encore assez peu éclairée même si des députés des départements outremers étaient déjà élus (115 ans après, ils sont toujours aussi minoritaires, y a du boulot). Omar Sy y va de toute son énergie passant du quasi Schpountz à Bel Ami. On se sent un peu enfermé parfois, sans doute à cause d’un certain sentiment de répétition.
J’ai surtout envie de comparer avec deux autres films. Le premier brièvement, c’est Les anarchistes d’Élie Wajeman, sorti en novembre avec Tahar Rahim et Adèle Exachorpoulos. Il se passe rigoureusement à la même époque et même si j’ai eu la dent dure, il avait le mérite (j’hésite) de parler des délaissés. On entrevoit juste un bidonville parisien dans Chocolat et le monde miséreux des petits cirques de province qui tirent le Diable par la queue.
L’autre film et non le moindre c’est La Vénus noire d’Abdellatif Kéchiche. Je l’ai vu il y a quelques jours car je l’avais squizzé en 2011. Kéchiche et moi, ce n’est pas l’histoire d’amour (remember mon running gag à propos du Vide d’Adèle). Dans ce film, le réalisateur choisissait de suivre au XIXe siècle l’histoire de Saartije, une jeune femme d’Afrique du Sud – histoire vraie là aussi – exhibée dans un spectacle de foire à Londres puis Paris de façon obscène pendant des années avant de mourir tristement de maladie et de voir son corps récupéré par l’Académie des Sciences de Paris afin de servir de support de démonstration de l’infériorité des races initiée par cette suprématie blanche qui hélas perdure dans l’esprit de certains encore aujourd’hui. La particularité que je souhaite pointer est que Kéchiche sous couvert de dénoncer voyeurisme, violence et indignité, encourageait par son traitement de précision (anatomique si j’osais) un point de vue tout aussi voyeuriste et malsain, ratant sans doute à mes yeux l’occasion de montrer le comportement colonialiste des nations britanniques et françaises.
Ici le questionnement sur la place de l’homme noir dans cet univers blanc et bourgeois s’illustre par la rencontre entre Chocolat qui évolue comme un esclave affranchi d’un côté de la barrière pendant que de l’autre sont à genoux les nègres exotiques des expositions universelles là pour distraire des Continentaux qui s’étonnent encore du peu de différence entre les Européens et les Africains.
Roschdy Zem avait joué dans le film Indigènes de Rachid Bouchareb en 2006 et on avait alors espéré voir un pan de l’histoire enfin abordé. Mais quand on voit encore des héritiers de l’OAS refuser qu’on dise de l’Algérie des années 60 le mot guerre, on voit que le chemin à parcourir est encore si long.
Pour conclure, je dirais qu’il est vraiment bien d’avoir abordé le sujet, mais pourquoi l’avoir tant romancé ? Je choisis malgré tout de le soutenir malgré ses imperfections afin d’encourager ce genre de fictions ou de récits de la petite Histoire.
Moi qui espère qu’un jour Napoléon sera noir...

Gribbsie
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le 26 févr. 2016

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