Que ce soit devant ou derrière la caméra, le (très) souvent juste Roschdy Zem est de ces talents imprévisible qui ne se retrouvent jamais là ou on les attends, mais qui surtout, ne déçoit jamais les cinéphiles que nous sommes.
Mais c'est encore une fois en tant que metteur en scène que le cinéaste créer l'événement.
Après une comédie douce amer sur les différences entre les religions juives et musulmanes et leur résonance sur un couple de jeunes parents (l'excellent Mauvaise Foi), le polar judiciaire inspiré de l'une des affaires les plus rocambolesque de ses vingt dernières années (le puissant Omar m'a Tuée), puis l'an dernier une plongée fascinante dans le milieu du culturisme professionnel via par le prisme d'une relation père-fils douloureuse et complexe (le réussi Bodybuilder); le bonhomme nous revient avec en salles cette semaine avec un quatrième long encore plus ambitieux.
Chocolat donc, ou le biopic plus ou moins libre de Rafael Padilla, premier homme noir à se produire sur une scène hexagonale au début du siècle dernier.
Un de ses nombreux oubliés de l'histoire à qui le cinéma peut offrir, partiellement, une certaine justice.
A l'écran, c'est le génial Omar Sy - dont l'année 2016 s'annonce des plus exaltantes -, qui avait la lourde tâche de rendre vivante le destin semé d'embuches de Padilla, de sa jeunesse difficile à sa rencontre avec son futur acolyte Footit, et son ascension fulgurante dans le monde du spectacle.
Une relation dominant-dominé aussi bien sur scène (le clown blanc tyrannique qui en fait baver au souffre-douleur noir pour faire rire le public) qu'une fois le rideau tombé, que Roschdy Zem filme intelligemment comme une fable enlevée et passionnante - et non comme un brûlot furieux contre le racisme -, enchainant les rushs d'émotions avec maestria (Zem maitrise bien mieux la partie dramatique de son œuvre, à la différence de son précédent long), tout en interrogeant malignement son spectateur sur de nombreux thèmes cruellement d'actualité (la discrimination, la célébrité,...).
Ode lumineuse sur une histoire aussi hors du commun que son héros avant de peu à peu sombrer dans le drame poignant et déchirant - au moment ou Chocolat ne supporte plus son succès au quotidien -, le métrage est un récit fascinant et follement immersif dans le milieu du cirque-théâtre faisant la part belle à ses formidables acteurs: Omar Sy - évidemment - en tête.
Flamboyant et décontracté comme jamais, il incarne avec charisme et puissance Rafael Padhilla et son alter-égo scénique, Chocolat.
Dans ce qui est sans l'ombre d'un doute son plus beau (et important) rôle à ce jour, il épouse à merveille toutes les nuances de son personnage et s'avère aussi bien à l'aise dans le costume de clown joyeux (sur scène) que celui de clown triste (en dehors).
Mieux, le duo qu'il forme avec James Thierrée, petit fils de Charlie Chaplin et vrai showman accomplit (il est la révélation du métrage), est porté par une alchimie miraculeuse et incarne clairement la force majeur du film.
Réaliste et populaire, esthétiquement soigné, que ce soit de par ses décors grandioses - magnifiés par une reconstitution remarquable du Paris de la Belle Époque -, ou la mise en scène inspiré et affuté de son metteur en scène; Chocolat incarne un biopic poignant et captivant, un sublime drame aussi émouvant qu'il est infiniment nécessaire et incarné à la perfection par un casting totalement voué à sa cause.
Alors qu'il est indiscutablement l'un des tous meilleurs comédiens du septième art français, en l'espace de quatre (grands) films seulement, Roschdy Zem est également en passe de s'imposer comme l'un des réalisateurs les plus plaisants à suivre.
Difficile de ne pas admettre que l'on attend donc avec une furieuse impatience la suite de sa carrière en tant que metteur en scène...
Jonathan Chevrier
http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2016/02/critique-chocolat.html