Les biopic, ça a toujours été un peu mon dada. Le cinéma est, certes, un art qui prête à l’évasion et à la quête de divertissement à travers la retranscription sur grand écran d’histoires incroyables visant à nous détacher de notre quotidien banal et routinier. Mais un bon biopic permet aussi un retour aux émotions pures, et vraies. Exercice de style périlleux mais intéressant, il permet de mettre en vedette des héros de notre histoire. Chocolat est de ceux-là, perdu dans l’oubli, et aujourd’hui de retour dans la lumière.
Intrigante histoire qu’est celle de ce clown noir qui fit les belles heures des Folies Bergères aux côtés de son fidèle ami et mentor Footit, au tout début du XXe siècle, en pleine Belle Époque. Venu de nulle part, employé d’un petit cirque de campagne où il campe un rôle de sauvage qui terrorise les spectateurs, celui qu’on appelle encore ici « Kalanga » est tout près d’un tournant majeur dans sa vie. Le clown Footit, en manque de nouveaux spectacles à proposer, voit en lui un grand potentiel, une association providentielle et unique au monde qui leur permettrait d’atteindre la gloire. Et ça marche. Chocolat est né.
Paraissant nous faire vivre un conte de fées durant la première heure, Chocolat nous transporte avec enthousiasme dans cette aventure qui nous ramène à l’âge d’or de la « ville-lumière », Paris, pleine de faste et d’élégance à l’aube du nouveau siècle qui s’annonce. On vit avec des yeux d’enfant cette arrivée à Paris, empreinte de magie et d’espoir, le même espoir qui anime notre duo. Cette féérie est brutalement compensée par une deuxième heure plus sombre, dramatique, mettant en évidence les tensions, les jalousies et les dangers cachés derrière ce monde de paillettes et de lumière.
Les questions de l’identité, de la confiance, de l’amitié, et des dangers de la célébrité sont au cœur du film. Comment, au début du XXe siècle, un clown noir parvient-il à devenir une idole dans la haute société parisienne ? Qu’est-ce qui peut se cacher derrière cette improbable admiration, alors que le colonialisme est plus que jamais d’actualité ? Et comment un homme, parti de rien, parvient-il à garder un équilibre après avoir connu une ascension aussi fulgurante ? Ce sont les problématiques explorées par Chocolat, et elles sont traitées avec efficacité.
Le film nous montre une société distinguée et élégante, mais surtout hypocrite et imprévisible, où la confiance est aussi fragile que la gloire. Chocolat, celui qui consacre sa vie à faire rire, est surtout devenu une cible. Celle des railleries et de la jalousie. La gloire lui monte à la tête, étouffant peu à peu le modeste phénomène de foire qu’il était il y a encore peu. Chocolat nous propose un véritable exemple d’enthousiasme, mêlé à de la combativité, tout cela réuni dans une incroyable et incessante descente aux enfers.
Omar Sy parvient une nouvelle fois à nous montrer l’envergure de son talent avec à ce rôle de clown qui lui convient à merveille, grâce à son sourire et à son rire communicatifs. La présence de James Thierrée, professionnel du domaine, est également remarquable, et presque symbolique. Petit-fils de Charlie Chaplin, la ressemblance physique avec son grand-père est troublante, et le fantôme de Charlot, l’un des grands clowns du cinéma, semble le suivre tout au long de l’intrigue.
Nul doute que le travail de mise en scène fourni a été énorme, rien qu’en se référant au passage où ils doivent tourner une petite scène pour les frère Lumière, laquelle est jouée dans le film, puis montrée dans sa version originale (de 1900) à la fin du film, mettant une impressionnante ressemblance entre les deux. Ce point met en évidence un souci du détail qui a été appliqué à chaque reproduction des pitreries de Footit et Chocolat, qui paraissent ici plus vraies que nature.
Le film se permet de prendre de nombreuses libertés historiques concernant la vraie vie de Chocolat, mais ce n’est pas réellement condamnable. Ces partis pris sont payants, donnant lieu à une intrigue romancée à souhait, mais qui ne sonne jamais faux. On ne sent poindre aucune forme d’exagération ni de suffisance. Chocolat suit son discours et l’histoire de son personnage principal, mais il le fait bien, en captivant et en émouvant le spectateur.
Bien mis en scène, toujours juste, Chocolat nous plonge pleinement dans cette époque à la fois magique et cruelle, où la gloire d’un homme peut rapidement le faire déchanter. Sans révolutionner le genre, Chocolat est un biopic qui offre ce qu’on attend de lui, et pour ma part, cela me suffit totalement. Féérique et dramatique, j’ai fondu pour Chocolat.
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