Chouquette (Sabine Azéma, les cheveux rouge-orangé...) est amère, sèche comme du pain rassis, et aussi peu sucrée que possible lorsqu'elle s'adresse aux autres humains qui prennent le risque de l'approcher. C'est dire si le titre sonne comme une antiphrase sinistrement ironique, dès que l'on comprend quel est le personnage qui porte ce moelleux surnom. Cette misanthrope, qui a décidé de ne plus embrasser personne et de ne plus répondre au téléphone, vit recluse sur une magnifique île de la Bretagne nord, au cœur d'un jardin luxuriant qui reçoit seul ses soins, pendant qu'elle-même ne s'arrose que de vodka... Depuis trois ans, elle attend Gepetto, un mari invisible qui ne veut plus la voir, ni même lui parler, et dont elle s'obstine à fêter l'anniversaire, chaque année, dans une débauche de luxe, sous l'œil aussi attentif que défiant de son majordome (Pierre Aucaigne, parfait, dans ce rôle tout en discrétion vigilante). Pour la circonstance, des invitations sont envoyées, sans espoir de réponse favorable. Mais cette année, deux invités surviennent : Diane (Michèle Laroque), amie purement mondaine puisque, en réalité, rivale, en tant qu'ancienne amante de Gepetto ; et Lucas (Antonin Brunelle-Rémy, petit angelot si pétillant et sensible que l'on souhaite que ce long-métrage marque ses débuts au cinéma...), petit-fils de la vieille dame, et qui atterrit là parce qu'il vient de se faire chasser du centre auquel sa mère l'avait confié pour ses vacances...
Patrick Godeau, lui-même natif de Morlaix et grand amoureux de la Bretagne, tenait là un sujet fécond, adapté du roman d'Emilie Frêche. Mais il lance ses trois personnages - les deux femmes et l'enfant - sur les routes bretonnes et le film se perd. Si les premières étapes sont justifiées par le fait d'aller d'abord visiter, puis extraire de sa maison de retraite la mère de Diane (Michèle Moretti, qui campe avec subtilité l'un des plus beaux rôles du film et permet l'éclosion d'une complicité touchante avec le personnage du petit Lucas), un humour déplacé s'affiche bien vite, plongeant la salle dans un silence gêné : on y parle avec désinvolture de "la morte" que l'on promène sur l'un des sièges arrière et le périple se poursuit, tantôt sans but, tantôt - ce qui est pire - avec des buts prétextes à la continuation du parcours, buts inconsistants... Un sentiment de vide, d'inanité, s'installe, renforcé par les efforts de bons mots et souffrant du contraste avec les paysages qui, eux, restent souvent magnifiques...
Deux morts se trouvent confiés à des bateaux, envoyés vers le large... On tente de réinjecter du sens, de voir là une relecture moderne de la croyance celtique en l'Ile d'Avallon, censée constituer le séjour des morts, plein ouest, bien au-delà du Finis Terrae... En vain. Les personnages (ceux qui vivent encore...) finissent contents, réconciliés, baguenaudant sur les plages... Le spectateur reste en rade, toutes voiles affalées.