Ce film, qui mélange l’animation, le documentaire et les entrevues avec des acteurs de la guerre en Yougoslavie restera dans ma mémoire pour longtemps.
En dehors de l’appréciation technique que l’on peut porter sur ce mélange des genres (remarquablement maîtrisé par la réalisatrice), cette petite histoire dans la grande Histoire nous met face à toutes les contradictions de notre époque, sanglante malgré les apparences affichées dans notre civilisation européenne – l’UE évite la guerre sur son territoire, mais se gave, financièrement, sur les guerres que les États entretiennent ailleurs.
Que de guerres ! Que de massacres ! Et ces massacres en Yougoslavie ne sont pas si lointains ni si anciens que cela : à deux heures de Paris, à trente ans de nos vies actuelles, les boucheries sanguinaires perpétrées en Croatie et en Serbie résonnent de façon sinistre, car elles ont eu lieu dans des États dits civilisés et qui font maintenant partie de l’Europe.
La barbarie n’est jamais très éloignée de nos portes. Entendre ces tueurs justifier leurs boucheries en déclarant que « ceux d’en face pratiqu[ai]ent les mêmes exactions » fait froid dans le dos. Et tous ces braves gens mènent une existence tranquille actuellement, après avoir massacré des populations entières (nourrissons, vieillards, femmes désarmées, paysans démunis), et répondent très calmement, presque sereinement, aux questions de la réalisatrice.
Que dire des « profiteurs de guerre », journalistes, hommes politiques, marchands, opportunistes virils, mercenaires, et j’en passe ?
Le « héros » de l’histoire, cousin de la réalisatrice et reporteur pour une radio suisse, n’est lui même pas très clair, et c’est avec une certaine impartialité, malgré l’admiration qu’elle portait à son ténébreux cousin, que Anja Kofmel réussit à retracer l’itinéraire et la fin de ce journaliste ambigu.
Où sont les limites de l’information ? Où, celles de l’engagement politique ? Où, celles de l’empathie distanciée pour des populations qui meurent sous les coups de hordes de mercenaires avides de gloire et d’argent ? Où, celles de la vente d’armes aux différents belligérants, qui engraisse nos entreprises et fait des profits éhontés sur la vie de milliers de personnes ?
Je ne peux m’empêcher de penser à tous les massacres qui ont cours actuellement dans notre monde, au nom de la « pureté de la race », de la religion, du profit, du mépris des êtres humains…
Un film très fort.