Le mélodrame est l'un des genres cinématographiques le plus soumis à la logique du "quitte ou double". Trop nombreux sont ces films qui forcent l'émotion d'une manière vulgaire: déprimer constamment les acteurs, les faire pleurer, la musique (ou pire la chanson) mielleuse qui ne laisse jamais de silence, le scénario ultra codifié qui enchaine les scènes clichés. A la lecture du synopsis, j'ai pris peur de ce que pourrait être ce film, le thème de la maladie, si cher au genre, pose le point de départ du scénario. En fait, Christmas in August n'est rien de tout cela.
Bien que la maladie lance le scénario, elle n'est pas l'objet principal du film. Nous n'avons aucune scène avec ce fameux médecin qui analyse toute la maladie et dit nous explique quand est-ce que le protagoniste mourra. Nous ne saurons jamais de quoi Jung-Won souffre, le synopsis exagère sa place, qui est finalement très minime. Christmas in August raconte avant tout la vie d'un photographe dans sa trentaine, très optimiste, qui vit sans se poser de questions sur le lendemain. Une cliente lui rends visite régulièrement, éventuellement débute un flirt qui prends l'apparence d'une amitié, ou d'un amour platonique. Si cette histoire est importante, elle n'occupe pas "tout" le film. Le film tire sa puissance émotionnelle d'un enchainement de scènes ordinaires, toutes vécues à travers un homme dont l'optimisme est inspirant, alors qu'il se sait gravement malade, voir mourant. Pourtant il vit comme étranger à cette idée, le film maintient l'ignorance sur sa maladie. Ce geste narratif écarte tous un tas de poncifs éculés, et offre de belles perspectives à la réalisation, et mieux, le peu de clichés appartenant au genre mélodramatique sont sublimés.
Le contexte de Christmas in August transforme les banalités en quelque chose de beau; deux personnes qui mangent une glace, offrir une canette, frapper à la porte d'une boutique, observer depuis une fenêtre, deviennent déchirants lorsque vécu une dernière fois. Tout est réalisé avec lenteur et tranquillité, à tel point que l'on se demande "est-ce bien un mélodrame ?". Mais c'est la pudeur du film qui le rends vraisemblable aux yeux du spectateur, donc plus émouvant. Ces nombreuses scènes lentement enchainés, ces cadres presque immobiles, transforment Christmas in August en un album photo des plus attendrissants, comme s'il voulait laisser pour témoignage la vie d'un homme maladif, attaché à personne, dont l'insouciance ne peut laisser indifférent. Cet album qui, du jour au lendemain, s'arrêtera sans prévenir. Bourré de non-dits, il prolifère de cadrages symboliques, se substituant aux paroles. Le réalisateur devient un photographe qui choisi judicieusement quel souvenir il rendra immuable à l'épreuve du temps. Si Jung-Won a toujours vu ses sentiments s'estomper, qu'il reste en paix, car ceux-ci sont maintenant immuables, lui qui ne s'est jamais apitoyé de son sort, malgré les tracas.
Au lieu de nous plonger dans une spirale dramatique sans fin, Christmas in August préfère s'arrêter au bon moment pour conserver les souvenirs les plus doux, comme un rêve.