Lorsqu'on cherche des informations sur Tunic, on tombe trop souvent sur des descriptions journalistiques douteuses à base de "le zelda-souls indé !". Autrement il ne reste que des spoil, qu'il faut absolument éviter. Se spoil ce jeu est l'équivalent de lire un guide, regarder la soluce, ce qui ruine absolument tout son intérêt. Il vous reste peut être la vidéo de TheGreatReview, mais pas de chance pour quelqu'un souhaitant simplement se renseigner, il spoil l'intégralité du jeu. Comme beaucoup d'autres, je ne pense pas être le seul à lancer Tunic avec énorméménent d'appréhensions, n'y voyant qu'un mix entre un Zelda 2D et un Souls. En fait ce n'est qu'un camouflage.
Je reprends les mots d'Andrew Shouldice, développeur de Tunic, qu'il adresse lors d'une interview chez JVC :"Je suis de ceux qui ne préfèrent pas dire aux joueurs quand ils ont trouvé tous les secrets. Parce qu’un jeu où vous avez trouvé tous les secrets est un jeu définitivement terminé". Tunic est un jeu d'exploration et de secrets dans son coeur. Les secrets grouillent PARTOUT sous les yeux du joueur sans réaliser ce fait, alors même que la solution aussi se trouve sous son regard.
Pour se faire, Tunic réactualise un dispositif disparu dans le monde du JV : le manuel. Aujourd'hui des jeunes joueurs découvrent Zelda 1 sur émulateur et lui reproche son côté beaucoup trop cryptique, hasardeux. C'est oublier que le premier opus de la légendaire licence se jouait avec un manuel détaillé qui permet au joueur de découvrir les secrets du jeu, mais qui restait assez sommaire pour ne pas être un guide détaillant toutes les solutions. Si Tunic parait être un indé générique et sans identité de loin, son concept du manuel est tellement au cœur de l'expérience que le résultat en devient unique et génial.
Le but du jeu est simple en réalité, le joueur prend le contrôle d'un renard qui se réveille dans un monde lointain et trouve une page de manuel qui va l'aider dans son exploration. Il devra explorer ce monde et compléter le manuel. Détail important : le manuel est écrit dans un langage ancien indéchiffrable, comme si l'on joue à un jeu dont la langue n'est pas celle de notre alphabet.
Le fond de la boucle de gameplay constituera principalement à comprendre le contenu d'une page de manuel, appliquer la règle déduite(parfois sous vos yeux ou utilisable dès la première seconde de jeu, sans que le joueur le sache) ou se rendre dans un lieu caché, récupérer une nouvelle page de manuel, avancer dans le monde, comprendre un nouveau secret...Tout le jeu est rythmé par le manuel, et si notre personnage progresse, le manuel aussi. La curiosité nous pousse donc à remplir ce manuel, pour percer tous les secrets du jeu.
Au fur et à mesure de la progression, le manuel commence à accumuler les pages, désordonnées certes. Au bout d'un certain stade, le vrai jeu débute. Tout ce pot pourri de Zelda et Dark Souls est abandonné pour offrir un pur jeu d'aventure comme on en voit beaucoup trop peu : pas de marqueurs, sentiment de solitude, monde inconnu avec son lore merveilleusement cryptique. Les seules informations disponibles le sont de manière intradiégétique à travers le guide. Une réelle chasse aux trésors(vous ne pourrez jamais résoudre ce jeu sans prendre de notes) commence, avec son lot d'énigmes très marquantes, toujours dans une logique "tout était sous tes yeux depuis le départ, il suffisait juste de regarder de la bonne façon".
Le génie de ce procédé s'expliquer parce que c'est au joueur de comprendre ce fait. A lui seul revient la charge de "quitter" le tutoriel et "entrer" dans le vrai jeu, par la simple lecture des éléments mis à disposition et les déductions qui en découlent. Le guide brille de milles feux lors de cette phase de jeu tant toutes les manières de vous communiquer subtilement la bonne information sont exploitées, donnant la sensation d'une aventure unique et jamais vue.
Tout culmine évidemment lorsque le joueur réalise qu'il doit "résoudre" le jeu. Tunic dresse son ultime (ou non) mystère qui synthétise toutes les qualités dont il a fait preuve pour les propulser à un niveau encore plus haut qu'elles ne l'étaient déjà. S'entame alors une longue quête qui requiert un certain investissement, pour résoudre ce qui s'avère être la plus belle énigme du JV à mes yeux, un mystère d'une ampleur exceptionnelle, et j'insiste sur le mot "belle". Le jeu fait confiance au joueur dans sa capacité à utiliser le moindre détails disponibles et démontre une nouvelle fois la grande qualité de son manuel, en forçant le joueur à scruter encore plus loin qu'auparavant. S'enclenche alors une quête très ludique usant d'un procédé quasiment oublié dans le JV. Ni trop capillotractée, ni trop simple, cette énigme est belle car elle nécessite une certaine patience, comme si l'on traversait un long itinéraire d'une couleur dorée, dont la seule réussite de l'expédition repose sur la persévérance. La plus belle énigme du JV, parce que derrière se cache tout un propos magnifique sur l'aventure, la connaissance et même le JV.
La plus belle des énigmes, car une fois arrivé à destination, on regarde derrière soi, on constate tout le chemin parcouru, tous les secrets résolus par nous-même. Nous voilà désormais émancipé de toutes récompenses matérielles car le jeu nous offre la meilleure d'entre elles : la sagesse qui ne demande qu'à être partagé.