On peut avoir tous les talents du monde, il est absolument impossible de sauver un film quand son scénario est aussi creux, son intrigue aussi nébuleuse et ses personnages aussi mal écrits. On a beau s’appeler Mario Bava et injecter des idées visuelles sur tous les plans possibles, il est difficile de sauver du naufrage un film quand on arrive à la rescousse d’une production dont le tournage débute trois jours plus tard. S’il contient certaines fulgurances propres au réalisateur, l’ensemble reste prisonnier d’une histoire foutraque, largement inspirée des Dix Petits Nègres dans son déroulement, mais construit autour d’un prétexte peu convaincant. Par ailleurs, les personnages sont complètement mal dégrossis. On ne comprend pas bien les liens qu’ils entretiennent les uns avec les autres et un des personnages clés, jamais présenté, est totalement illisible.
Il en résulte un drôle d’objet, saturé d’une BO très sixties qui tourne en boucle, parsemé d’un certain érotisme et totalement exempt de violence (tous les meurtres sont hors-champs). Mario Bava semble essayer, faute de matière, de rendre son œuvre plus profonde en s’attaquant au portrait d’une certaine bourgeoisie italienne. Totalement misanthrope, le film présente des personnages qui se moquent totalement du sort des autres (les femmes, les maris, les amis meurent les uns après les autres sans que cela n’éveille la moindre once d’émotion chez les protagonistes) et qui cherche évidemment à ce que le sort de chacun nous importe peu aussi. Que reste-t-il alors au spectateur si l’intrigue ne tient pas debout et si le sort des personnages ne lui importe pas ? Rien ou presque.
Dans ce fiasco, certaines scènes, certains cadrages, certaines lumières sont remarquables. Mais tout est franchement vain. Le rythme languissant de l’ensemble (en dépit d’une courte durée d’1h20) n’arrange rien et le final, encore plus incompréhensible que tout le reste du récit, laisse pantois. Longtemps méprisé, le film a bénéficié ces dernières années d’une certaine réhabilitation. Je suis plutôt enclin à penser, comme Mario Bava lui-même, qu’il s’agit là de son plus mauvais film. Deux ans plus tard, il reprendra un récit semblable mais en détournera tous les codes pour en faire un des premiers slashers, La Baie sanglante.