Un film soviétique ne se faisait pas dans la demi-mesure. C'est toute une époque qui résonne depuis la guerre jusqu'à 1979, l'année du film. Une façon que les Russes ont de recompter le temps qui passe dans l'espoir que douze mille jours soient moins que 34 ans. Alors pourquoi pas cinq soirées ?


L'esprit reste très théâtral ; Mikhalkov fait beaucoup bouger sa caméra, mais toujours à l'intérieur du décor, jamais à l'extérieur. On suggère à peine ce qu'il y a au-delà. La campagne ? C'est beau, paraît-il, mais on n'y est jamais allé. L'ambiance est d'une austérité glaçante, comme s'il n'y avait d'espoir après le premier mur, son papier peint défraîchi et les bibelots démodés qui décorent çà et là. C'est la voix d'un peuple qui s'exclame avec une bonne qualité cinématographique, mais cela rend le film difficile à voir. Dommage que l'œuvre, étant transposée d'une pièce, fasse un défaut de ce qui aurait dû être une simple caractéristique : les acteurs sont sans faille, mais semblent ne pas exister plus loin que leurs lignes.


L'émotion se transmet par eux pour autant qu'ils parlent, mais leurs silences sont muets. C'est dommage qu'on doive ainsi perdre la profondeur, et qu'il soit tenté de la retrouver par des intermèdes semblant abstraits pour tout le monde : le passage de ces semi-caricatures bafouillantes qu'on appelle personnages secondaires mais qui n'apportent rien qu'une effluve humoristique mal placée. Technique modeste, atmosphère répulsive... Et une histoire qui se construit au milieu. Qui se reconstruit, plus précisément. Un acte de désespoir artistique un peu trop larmoyant pour être exutoire, et une romance qui a le mérite tout comme le désavantage de ne même plus avoir de rôle sociétal à jouer.


Quantième Art

EowynCwper
5
Écrit par

Créée

le 15 déc. 2018

Critique lue 258 fois

3 commentaires

Eowyn Cwper

Écrit par

Critique lue 258 fois

3

D'autres avis sur Cinq Soirées

Cinq Soirées
louisewun
7

Critique de Cinq Soirées par louisewun

Ça m'a moins saisie que Partition inachevée pour piano mécanique mais j'ai tout de même trouvé que c'est un beau film, très ancrée dans la réalité soviétique, touchant, doux et juste. Le travail sur...

le 30 mai 2022

Cinq Soirées
EowynCwper
5

Critique de Cinq Soirées par Eowyn Cwper

Un film soviétique ne se faisait pas dans la demi-mesure. C'est toute une époque qui résonne depuis la guerre jusqu'à 1979, l'année du film. Une façon que les Russes ont de recompter le temps qui...

le 15 déc. 2018

3

Du même critique

Ne coupez pas !
EowynCwper
10

Du pur génie, un cours de cinéma drôle et magnifique

Quand on m’a contacté pour me proposer de voir le film en avant-première, je suis parti avec de gros préjugés : je ne suis pas un grand fan du cinéma japonais, et encore moins de films d’horreur. En...

le 26 oct. 2018

8 j'aime

La Forêt sombre
EowynCwper
3

Critique de La Forêt sombre par Eowyn Cwper

(Pour un maximum d'éléments de contexte, voyez ma critique du premier tome.) Liu Cixin signe une ouverture qui a du mal à renouer avec son style, ce qui est le premier signe avant-coureur d'une...

le 16 juil. 2018

8 j'aime

1

Mélancolie ouvrière
EowynCwper
3

Le non-échec quand il est marqué du sceau de la télé

Si vous entendez dire qu'il y a Cluzet dans ce téléfilm, c'est vrai, mais attention, fiez-vous plutôt à l'affiche car son rôle n'est pas grand. L'œuvre est aussi modeste que son sujet ; Ledoyen porte...

le 25 août 2018

7 j'aime

3