Un film soviétique ne se faisait pas dans la demi-mesure. C'est toute une époque qui résonne depuis la guerre jusqu'à 1979, l'année du film. Une façon que les Russes ont de recompter le temps qui passe dans l'espoir que douze mille jours soient moins que 34 ans. Alors pourquoi pas cinq soirées ?
L'esprit reste très théâtral ; Mikhalkov fait beaucoup bouger sa caméra, mais toujours à l'intérieur du décor, jamais à l'extérieur. On suggère à peine ce qu'il y a au-delà. La campagne ? C'est beau, paraît-il, mais on n'y est jamais allé. L'ambiance est d'une austérité glaçante, comme s'il n'y avait d'espoir après le premier mur, son papier peint défraîchi et les bibelots démodés qui décorent çà et là. C'est la voix d'un peuple qui s'exclame avec une bonne qualité cinématographique, mais cela rend le film difficile à voir. Dommage que l'œuvre, étant transposée d'une pièce, fasse un défaut de ce qui aurait dû être une simple caractéristique : les acteurs sont sans faille, mais semblent ne pas exister plus loin que leurs lignes.
L'émotion se transmet par eux pour autant qu'ils parlent, mais leurs silences sont muets. C'est dommage qu'on doive ainsi perdre la profondeur, et qu'il soit tenté de la retrouver par des intermèdes semblant abstraits pour tout le monde : le passage de ces semi-caricatures bafouillantes qu'on appelle personnages secondaires mais qui n'apportent rien qu'une effluve humoristique mal placée. Technique modeste, atmosphère répulsive... Et une histoire qui se construit au milieu. Qui se reconstruit, plus précisément. Un acte de désespoir artistique un peu trop larmoyant pour être exutoire, et une romance qui a le mérite tout comme le désavantage de ne même plus avoir de rôle sociétal à jouer.
Quantième Art