Apocalypse now

Si les récits post-apocalyptiques sont légions dans le domaine de la littérature (on en retrouve déjà des traces dans L'Épopée De Gilgamesh, œuvre épique mésopotamienne rédigée entre 2000 et 1500 avant J.C.), le genre tarde à être adapté au cinéma. Si, en 1936, La Vie Future, libre appropriation du roman The Shape of Things to Come de H.G. Wells, reste le film pionnier du genre, ce dernier tarde néanmoins à se développer sur grand écran.

En 1951, Cinq Survivants se voit écrit, produit et réalisé par Arch Oboler, un célèbre scénariste connu pour ses récits radiophoniques diffusés via NBC aux États-Unis. Mêlant science-fiction et thriller, ses nouvelles lui permettent peu à peu d'approcher l'univers du cinéma. Tout d'abord en tant que coscénariste du thriller politique Évasion, mis en scène par Mervyn LeRoy en 1940. Oboler passe à la réalisation 5 ans plus tard puis anime sa propre série télévisée en 1949. Résidant dans une belle demeure sur les hauteurs de Malibu en Californie qu'il imagine être le centre d'action d'un scénario, le cinéaste investit 75 000 $ de ses propres deniers pour réaliser la première œuvre de l'Histoire du cinéma qui narre les conséquences d'un désastre atomique.

Dépeuplée par un holocauste nucléaire, la Terre n'est plus qu'un vaste cimetière. Seules cinq personnes semblent avoir miraculeusement survécu. Une femme enceinte, un employé de banque, un philosophe, un homme de couleur et un alpiniste raciste. Vont-ils, malgré leurs différences, parvenir à coexister face au tragique de la situation ?...

Ce qui est le plus remarquable dans le script d'Arch Oboler, c'est certainement l'utilisation de la peur d'un conflit nucléaire, qui sévissait en 1951 face à la guerre froide, pour dresser et disséquer des portraits humains. En ce sens, Cinq Survivants est une fresque étonnante qui innove dans le domaine de la S.F jusqu'à aborder ce que l'on appellera un peu plus tard le post-nuke. Avec ses maigres moyens, il est impossible au réalisateur d'être crédible en matière de cadre puisque la nature est déraisonnablement luxuriante et les habitations admirablement conservées. Pas assez riche pour visuellement produire un véritable enfer sur Terre, Oboler préfère se pencher sur l'Homme tout en sachant admirablement créer une atmosphère de fin du monde entre les êtres. Tel que saura également le faire Sidney Salkow, 13 ans plus tard, avec la première adaptation cinématographique du fameux roman de Richard Matheson Je Suis une Légende.

En proposant à ce que les cinq protagonistes du métrage aient des personnalités concrètement différentes, Oboler ne s'intéresse pas vraiment aux raisons du désastre nucléaire. Ce qu'il a envie de développer, c'est l'aspect psychologique de ses cinq personnages heureux de se retrouver ensemble afin de vaincre leur peur face à la solitude. L'égo un tant soit peu oublié lors de ses joyeuses retrouvailles retrouve cependant toute sa vanité destructrice face aux différences des uns et des autres. L'étude est pertinente et Cinq Survivants prend ainsi ses distances avec les assuétudes hollywoodiennes qui seront bien plus probantes 2 ans plus tard avec La Guerre Des Mondes (autre adaptation de H.G. Wells) signée par Byron Haskin.

Tel un épisode de The Twilight Zone, le long-métrage d'Arch Oboler use ainsi d'une remarquable qualité d'écriture et d'un judicieux casting pour plonger ses spectateurs face au désarroi d'une situation post-nucléaire. Avec une humilité rare et une justesse appropriée.

Merci à Freddy K pour la chouette découverte ♡