Quelle charmante découverte que ce film méconnu de la fin des années 40, qui mélange habilement épopée sportive et scénario de polar.
Le réalisateur oublié Jean Stelli, qui signa pourtant une trentaine de long-métrages entre la fin des années 30 et le début des sixties, semble particulièrement inspiré par le Tour de France, puisque l'un de ses premiers films se déroulait déjà dans le milieu du cyclisme ("Pour le maillot jaune", avec Albert Préjean).
"Cinq tulipes rouges" narre une série de meurtres inexplicables commis pendant le Tour 1948, au cours duquel les coureurs du peloton s'effondrent les uns après les autres.
Il s'agit d'un film choral, sans grande vedette au générique ni véritable personnage principal, même si l'enquête est menée par un improbable duo, composé d'une journaliste sportive androgyne aux allures de suffragette, fort justement surnommée Colonelle (Suzanne Dehelly, excellente) et d'un vieil inspecteur de police ennuyeux comme la pluie (Jean Brochard, amusant).
Cette intrigue policière pourra sembler parfois artificielle, mais s'avère très correctement ficelée, et s'intègre fort bien avec le cœur du récit, à savoir la description bien documentée du Tour de France : les coureurs, les directeurs sportifs, les mécanos, les équipes nationales de l'époque (remplacée depuis par les sponsors publicitaires), les villes-étapes...
D'ailleurs les séquences de cyclisme m'ont paru de fort belle facture pour l'époque, avec notamment des images de haute montagne et l'arrivée finale dans le vélodrome de Roubaix.
Je serais d'ailleurs curieux d'en savoir plus sur les conditions de tournage, mais il semble clair qu'il s'agit d'un partenariat avec les véritables organisateurs.
On pourra éventuellement tiquer sur le jeu hésitant de certains seconds rôles, ainsi que sur quelques invraisemblances, mais ce sont là des bémols dérisoires par rapport au plaisir de suivre ce sympathique divertissement, témoignage remarquable sur l'univers fascinant du Tour de France.