Saboteur

Un film de Hitchcock qui parle d'espionnage ou de sabotage d'industrie de l'armement aux USA en 1942 par une puissance étrangère dont on ne dit pas le nom … Ce n'est pas le premier et ce ne sera pas le dernier !

Un film de Hitchcock qui raconte une histoire d'espionnage qui sera résolue par un jeune homme injustement accusé, qui va se lancer tout seul dans une course-poursuite à travers le pays et qui se fera aider par une jeune fille, hostile au départ mais alliée à la fin. Ça ne vous rappelle rien ? Même si le scénario est, dans le détail, différent, c'est la même construction que "les 39 marches" réalisé en 1935 en Grande Bretagne…

Mais là s'arrête la ressemblance car Hitchcock trouve de nouveaux ressorts à l'histoire. Par exemple, l'itinéraire que va parcourir le héros innocent est plein de clins d'œil en le faisant passer par des lieux hautement symboliques d'une Amérique puissante et encore libre : l'usine d'aviation pour soutenir l'effort de guerre, le ranch et les chevaux, la ville abandonnée (une soudière) faisant face à un barrage hydro-électrique, la grande ville avec ses buildings, l'aéronavale avec le bateau mis à l'eau et pour finir ...

Bien sûr, un film sur de tels sujets en 1942 a très certainement un objectif didactique vis-à-vis du public pour adopter les bons réflexes de surveillance, de méfiance car l'ennemi n'est pas toujours au loin, à l'extérieur du pays.

Mais Hitchcock transforme ce type de message en un film "divertissant" qui comporte plusieurs séquences efficaces de suspense. Déjà le film a une particularité, c'est que le spectateur ne découvre les évènements qu'en même temps que le héros Barry Kane. Il ne peut donc pas porter un jugement sur les actions de Barry Kane puisqu'il ne peut que constater le nouveau piège dans lequel il tombe. De même le spectateur ne peut voir les échappatoires qu'en fonction de ce que Barry Kane examine et est dans l'incapacité de proposer autre chose. Autrement dit Hitchcock manipule magnifiquement le spectateur (qui, dans mon cas, aime bien)… Ce n'est qu'au deuxième ou ultérieur visionnage que le spectateur peut commenter la vraisemblance ou les autres possibilités. Mais le coup a été tiré et bien tiré lors du premier visionnage.

Le film de poursuite est entrecoupé de magnifiques scènes comme celle de la maison en pleine forêt qui est habitée par un vieux musicien aveugle et compatissant. L'homme se refuse à porter un jugement a priori et accueille avec beaucoup de bonté Barry Kane reflétant une facette plus humaine d'Hitchcock. C'est là d'ailleurs que Kane rencontre Pat (Priscilla Lane) qui est la fille ou la nièce du vieil aveugle qui accompagnera Kane par la suite.

De même que Hitchcock nous dégaine de belles trouvailles comme la poursuite dans un cinéma qui passe un film policier où les héros tirent au révolver alors qu'on tire aussi dans la salle avec les spectateurs qui comprennent que la réalité a rejoint la fiction.

Une autre trouvaille, c'est les messages – pertinents et amusants - des affiches montrant Pat qui est "mannequin publicitaire" que l'on voit à plusieurs reprises le long des routes : "You are been followed" ou encore "She will never let you down". Mais j'arrête là car le film fourmille de petites pépites qu'on ne voit d'ailleurs pas forcément au premier visionnage.

Les acteurs Robert Cummings pour Barry Kane ou Priscilla Lane pour Pat sont très bons. Côté "méchants espions", on est aussi bien servi par un cauteleux Alan Baxter ou un mielleux Otto Kruger en chef des espions.

Au final, c'est un film qui me donne toujours l'impression d'être fauché mais dans lequel Hitchcock a su compenser les faibles moyens par une mise en scène très efficace et par de nombreuses petites trouvailles rendant le film très plaisant.

Comme la scène des espions en voiture qui fredonnent le concerto pour piano de Tchaïkovski...