L'on pourrait presque s'y tromper : les premières minutes de City of Darkness imposent leur histoire épique de guerre des gangs comme une quasi mythologie, comme Creation of the Gods, un peu plus tôt cette année. Avant de faire mine de s'orienter vers le polar rêche dénué d'horizon, à l'image de Limbo.
Mais City of Darkness, malgré son titre, se montrera moins noir, moins désespéré, moins pessimiste. Alors même que le décor investi semble le même a priori.
Car s'il s'agit de décrire l'enclave d'une enclave anarchique, grouillante et surchargée, un monde labyrinthique de béton, d'ordures et de câbles agrégés, Soi Cheang semble porter sur ce lieu de perdition en forme de cour des miracles une certaine tendresse. En l'extirpant de ses stéréotypes de trou noir interlope, pour mieux partir à la recherche d'une poésie chaotique des plus insoupçonnées en pareil lieu. Pour mettre en avant la solidarité et les liens tissés au sein d'une sorte d'énorme famille dysfonctionnelle mais soudée.
Une certaine forme de mélancolie aussi, en tissant un parallèle entre cette citadelle en sursis et la fin programmée d'une certaine idée du cinéma made in HK, avant d'entremêler avec un plaisir renouvelé le volontiers romanesque à l'intensité de scènes d'action souvent extravagantes. Soi Cheang se joue avec malice de l'exiguïté des décors qu'il investit, irrigue ses empoignades d'une énergie folle et défie à plusieurs reprises tant les lois de la gravité que la résistance normale des corps humains poussés au supplice.
Et c'est dans un véritable maelstrom final de vengeance et d'action que City of Darkness explose, après avoir mis en avant sa population de laissés pour compte, voisinant par instant la démarche de Stephen Chow de Crazy Kung Fu, lâchant totalement la bride de ses combats.
Un peu trop peut être, avec l'irruption d'un méchant ayant mangé un peu trop de super héros au p'tit déj', transformant le climax de frénésie d'action non stop en cartoon un peu too much, et ce même si City of Darkness ne perd à aucun moment de son côté jouissif et généreux dans cette embardée de dernière minute.
Car il reste malgré cette petite faiblesse un sentiment de plaisir intense de cinéma, un mélange de genres bienvenu dans un décor fascinant et atypique. Et surtout, une efficacité redoutable ressuscitant tout un pan de l'énergie venue d'un passé glorieux et révéré.
Behind_the_Mask, anarchy in the HK.