Comme la plupart des occidentaux, je n’ai entendu parler de Soi Cheang qu'à la sortie récente et remarquée de Limbo dans nos salles (qu’il faut d’ailleurs que je ratrappe). Un réalisateur qui semble se placer au croisement des générations dans le paysage du cinéma hongkongais, et qui révèle volontiers en interviews que s’il s’adonne à des films de commande (la dernière trilogie The Monkey King), c’est uniquement dans le but de pouvoir plancher tranquillement sur des projets qui lui tiennent à cœur, dont ce City of Darkness.
Et alors que je m’attendais à voir un polar un peu craspec mâtiné de pugilats dans l’atmosphère claustrophobe de la citadelle de Kowloon, et que les vingt premières minutes semblaient me donner raison, je suis tombé des nues lorsqu’une cigarette s’est envolée, qu’un enchaînement de tatanes furieusement cartoonesques et jouissives a eu lieu, et que ladite clope a atterri dans la bouche de l’administrateur de bourre-pifs. Surprise, la baston de City of Darkness est plus proche d’un Stephen Chow que d’un Gareth Edwards. Et à partir de là, tout est permis.
Hormis un dernier tiers un peu plus approximatif dans ses délires super-héroïques, le dernier né du réalisateur est une réussite. De la pure castagne HK dans un film qui mixe hommage à un cinéma révolu (notamment par son casting) et modernisme. Un Kowloon étouffant qui se fait le témoin d’un passage de relais de l’ancienne génération à la nouvelle dans un dynamisme confondant, et une inventivité visuelle de tous les instants. Et si le rythme pâtit de quelques dialogues trop longs et que le scénario est cousu de fils blancs, le message est tout de même passé efficacement.
Les légendes de Hong Kong s’éteignent pour laisser la place à une relève qui montre qu’elle en a sous le coude. Une œuvre trop rare que l’on serait bien en mal de bouder, ne serait-ce que pour son audace formelle.