Cette cité de la vie et de la mort est Nankin, ville dans laquelle eut lieu en 1937 un massacre d'une rare intensité. Nankin, alors capitale, fût le théâtre d'affrontements sanglants entre la république pas encore populaire de Chine et l'armée impériale du Japon Shōwa au début de la seconde guerre mondiale (oui, c'est très européo-centré que de la faire débuter en 39). On estime à plus de 200 000 le nombre de victimes et à 80 000 le nombre de femmes et d'enfants violés.Massacre de Nankin
Le film, quasiment muet dans sa première partie, débute sur les affrontements entre l'armée impériale et la maigre garnison laissée dans cette ville déjà abandonnée par les autorités chinoises. La violence nous est montré ici sans complaisance en laissant des corps anonymes se démener dans le bruit et à la fureur de la guerre moderne. Sublimée par un noir et blanc magnifique, la caméra évite les poses forcées et se tient éloignée des moments de bravoure pour conclure sur un océan de cadavre. Assurément l'une des images les plus fortes du long-métrage.
Dans sa deuxième partie et certainement la plus intéressante, les personnages acquièrent des noms et des voix. On va y découvrir le quotidien d'une ville assiégée et abandonnée au travers des tranches de vie de ses habitants. On y suit tour à tour, un entrepreneur allemand, unique personnage historique du film, son assistant chinois, une institutrice mais également un soldat japonais durement marqué par les horreurs dont il est témoin. Et c'est là la grande idée du film, en proposant ce personnage à l'humanité abîmée et pourtant appartenant au camp ennemi, Chuan Lu évite l'écueil habituel du japonais sadique et cruel habituellement représenté dans les fictions chinoises (pour se rassurer, il y a quand même une belle dose de salopards, hein). Mais ici point de bon sentiment, rien n'est épargné, humiliations, viols et assassinats s’enchaînent devant nous et nous laissent en témoins impuissants devant ce quotidien. Le femmes surtout sont traités comme de la viande pour soldats qu'elles soient japonaises "volontaires" ou chinoises asservies.
Bref alternant les (rares) lueurs d’espoir avec les tragédies les plus abominables, City of Life and Death, en restant près de ses personnages, évite tous les clichés auquel on n'aurait pu s'attendre et malgré une fin douce amère, laisse un vague-à-l'âme dont il est difficile de s'en remettre.
Assurément l'un des meilleurs films de guerre de ses dernières années.