Bienvenue dans le Hong Kong de Ringo Lam, ville sombre et dangereuse où vous risquez de croiser criminels sans remords, policiers impitoyables et âmes perdues… L’ouverture de City on Fire donne le ton, en pleine rue des gangsters assassinent froidement et violemment un homme sous l’œil horrifié des passants. Le sang macule toute la rue, la victime se prenant plusieurs coups de couteau sous l'oeil d'une caméra qui filme de manière brute et réaliste. Voilà le spectateur prévenu, ici on n’est pas dans un film qui romantise les mafieux et stylise la violence (on est pas chez John Woo quoi…). Le reste du métrage est à l’image de cette scène d’ouverture. Il suit le héros du film, Ko Chow, interprété par Chow Yun-Fat dans un de ses meilleurs rôles, personnage tragique, flic infiltré, hanté par la mort d’un ami (un criminel qu’il a trahi dans sa dernière affaire). Au début du film il tente tant bien que mal de reprendre sa vie, il veut arrêter les infiltrations et épouser sa petite amie. Mais c’est sans compter son oncle, inspecteur de police qui le convainc d’accepter une dernière affaire. Ko Chow essaye de maintenir un équilibre entre tout cela, mais c’est très vite un échec, il entame malgré lui une des plus terrible descente en enfer du cinéma. Lui et d’autres personnages (son oncle, Lee Fu et un autre inspecteur) sont rapidement pris dans un engrenage dont ils n’arrivent pas à se dépêtrer. De manière fort logique le film se fini par un final tragique et pessimiste.
City on Fire est le premier film personnel de Ringo Lam, les cinq autres étant des films de commande. C’est l’un des tout premiers "héroic bloodshed", spécialité local de Hong-Kong, comme Long arm of the law ou Le Syndicat du Crime de John Woo. Contrairement à ce dernier, la réalisation est plutôt sobre, nerveuse et sèche, on est dans la dénonciation de la criminalité rampante à Hong-Kong, donc point de fioriture. L’intensité du film monte crescendo grâce à son scénario et le jeu des acteurs (Chow Yun-Fat joue d’abord un personnage enjoué malgré son traumatisme, mais qui fini par perdre son entrain). Il est amusant de voir quelques années avant The Killer une histoire qui met déjà en scène une amitié improbable entre Chow Yun-Fat et Danny Lee, le criminel nihiliste (habituellement cantonné aux rôles de policiers). Une camaraderie qui perturbe Ko Chow au risque de ne plus savoir quoi faire et en payer le prix fort.
On peut toutefois faire le léger reproche au film que leur rapprochement est un peu trop rapide et bref pour être vraiment crédible au vue de la fin. Un des autres points faibles du film est la relation un peu ridicule qu’il entretient avec sa fiancée, à base de « je t’aime, moi non plus », elle a le rôle assez cliché (et misogyne) de la petite amie chiante qui ne pose que des problèmes au héros. Cette partie aurait méritée d’être développée autrement. Enfin il faut citer la musique assez horripilante, très cheap, caractéristique des films de l’époque, qu’on entend beaucoup trop et qui fait dater un peu le film. Mais on oublie ces petits défauts grâce aux séquences d’anthologies qui traversent le film : la traversée de Hong Kong en courant de Chow Yun-Fat, monumentale d’intensité, ainsi que les scènes finales, réalisées avec une grande maîtrise formelle (telle que Tarantino s’en serait beaucoup inspiré pour son Reservoir Dogs).
Près de trente ans après sa sortie, City on Fire reste une œuvre culte de par son sujet et son traitement, et qui fait date dans l’histoire du cinéma hong-kongais, très novateur à son époque et qui a directement influencé de nombreux films et réalisateurs.