Tout comme le précédent film d'Alex Garland, "Men", A24 ne se contente que de distribuer le film mais commence tout de même à mettre le nez dans des productions beaucoup plus ambitieuses, ambitieuses en termes de budget et non de qualité. Et si j'apprécie beaucoup le réalisateur, j'avais pas mal d'aprioris envers ce film car je n'avais pas vraiment adhéré à son précédent film justement.
Mais il change ici complètement de registre puisque nous sommes dans du film catastrophe. Enfin presque ! Le film, de par son affiche, est vendu comme un film catastrophe "classique", énième blockbuster américain ne cherchant qu'à divertir (et ce n'est pas péjoratif, j'apprécie beaucoup ce genre de film). Mais nous sommes plus finalement dans un côté film d'auteur et le réalisateur en profite pour renouer avec des thèmes qu'il a pu explorer par le passé comme celui d'une société qui vole en éclat, effleuré avec "La Plage" à l'échelle d'une micro-société mais également via le prisme de l'horreur avec "28 jours plus tard". Ici, on est en plein dedans puisqu'il s'agit d'une guerre civile sur tout le continent nord-américain.
Projet ambitieux donc mais nous ne suivons pas cette guerre parmi les soldats mais à travers le regard d'un groupe de quatre journalistes de terrain dont nous sommes d'ailleurs le cinquième témoin. En effet, ce groupe de journalistes décide de traverser les États-Unis afin de se rendre à Washington dans le but d’interviewer une dernière fois le Président avant que celui-ci ne se fasse tuer. Et, en tant que spectateur, nous découvrons ainsi les dégâts de cette guerre en même temps que les personnages et un en particulier qui est une jeune débutante qui apprend sur le terrain. Nous avons en effet un passage de flambeau entre les deux héroïnes, les deux étant confrontées aux mêmes horreurs mais les gérant différemment.
Ce thème de la photographie n'est bien-sûr pas anodin et renvoie directement au cinéma et au réalisateur qui met lui-même en scène cette guerre. On découvre ainsi cette guerre civile à la fois du point de vue du réalisateur mais aussi de celui des personnages, tous étant équipés de caméras et d'appareils photos. C'est d'ailleurs un des principaux thèmes du film, celui d'alterner images d'une violence crue et mise en scène esthétisante de ces mêmes images et je pense par exemple à toutes ces séquences musicales extradiégétiques et donc uniquement propres au réalisateur qui se coupent brutalement pour nous plonger au cœur de la réalité des photographes, notamment, encore une fois, avec tout un travail autour du son.
Le film est ainsi souvent très déroutant mais surtout perturbant, on navigue constamment entre ces deux points de vue, ce qui nous fait réellement ressentir cette violence. Et puis, plus loin encore, est-ce que ces images violentes sont belles ? Est-ce qu'on a le droit de les trouver belles ? Se regardent-elles en tant qu'objet artistique ou simplement à titre informatif ?
Le film fait d'ailleurs un parallèle évident entre le fusil et la caméra, déjà via le verbe "to shoot" mais également parce-que les deux sont considérés comme des armes, ce qui prend d'autant plus de sens dans un contexte où les images, notamment relayées par les réseaux sociaux, ont une part énorme dans ce genre de conflit. Il y a également une question d'éthique ; jusqu'où aller pour prendre le parfait cliché ? Question à laquelle répondra le film suivant le point de vue des personnages mais surtout de leur évolution.
"Civil War" est donc un film très intéressant qui pose de nombreuses questions sur notre rapport aux images mais qui est également particulièrement éprouvant de par toute cette violence qu'il montre frontalement aux spectateurs.