Civil War
6.9
Civil War

Film de Alex Garland (2024)

Les États Unis... Aujourd'hui...

Le pays est devenue une dictature en proie à une guerre civile entre ceux qui soutiennent encore un Président de plus en plus isolé et qui accomplit son troisième mandat et une coalition des États Unis de l'Ouest menée par le Texas et la Californie...

Du contexte on n'en saura pas plus ... D'ailleurs, ce n'est pas nécessaire car le but d'Alex Garland n'est pas de filmer un blockbuster de guerre, ni de donner les tenants et aboutissants d'une situation mais plutôt de suivre un road trip qui va mener nos personnages de New York à Washington et nous montrer une Amérique apocalyptique et dystopique où les héros d'hier ne sont pas (plus ?) aussi courageux qu'on pourrait l'imaginer.

Ces "héros" d'ailleurs sont des journalistes de guerre pour qui montrer l'horreur n'est rien de plus qu'un scoop supplémentaire... Ils sont au plus près de l'action et finalement leur métier semble avoir anesthésié leur empathie... Les cadavres jonchent le sol mais c'est une photo de plus... L'action devenant même un substitut d'adrénaline pour eux.

Lee (Kirsten Dunst, impeccable) tout d'abord... Une photographe reconnue mais qui semble montrer des signes de lassitude sous son vernis de reporter aguerrie qui a couvert tous les conflits de son époque. Elle est accompagnée de Joël, son chauffeur et binôme du New York Times dans ce qui semble être pour eux le reportage ultime: décrocher une interview du président des États-Unis avant son probable assassinat par les insurgés dans un Washington encerclé par les États-Unis de l'ouest.

Participent également au voyage: Sammy un vieux briscard du journalisme et Jessie, une jeune photographe admiratrice de Lee. Pour elle, le périple sera aussi initiatique car si elle peine au début à retenir ses émotions, elle va, tout au long du récit, apprendre à ne pas y répondre... Cynisme déjà...

Dès les premières minutes du film, on est happé par les scènes d'action qui mettent le spectateur au plus près de ce que vivent au quotidien les reporters de guerre...

Ceux ci ont d'ailleurs souvent été au coeur de films qui dénonçaient une situation politique dans un pays en particulier... Le Cambodge des années 70 avec le magnifique "La déchirure ", de Roland Joffé qui racontait déjà une odyssée mais celle de Dith Pran, journaliste traducteur qui tentait de fuir le régime des Khmers rouges et leur barbarie.

Ou encore le méconnu mais excellent "Under fire", de Roger Spottiswoode, sur le coup d'état au Nicaragua et la dictature de Somoza.

On pense aussi forcément à "Salvador", d'Oliver Stone, qui montrait un journaliste cynique face à la guerre civile et à ses exactions au Salvador. Son "héros" était un sale type mais également un idéaliste. Dans chacun de ces films, le protagoniste prenait position dans un conflit pour dénoncer.

Ici non. Alex Garland ne parle jamais d'idéalisme, ni ne prend position.

Il constate. Une société en pleine déliquescence. A l'image de ses idéaux. Pas de gentils ni de méchants. Où plutôt si. Mais de chaque côté. Comme dans cette scène lunaire au coeur du film où un soldat fanatique demande ce que c'est que d'être américain... On a l'impression d'assister à un quizz où l'enjeu serait notre vie...

Cette absence totale de contextualisation, certains pourront le regretter mais c'est aussi ce qui fait la force du film.

Comment ne pas penser malgré tout, à cette Amérique trumpienne perdue dans ces contradictions et ses mensonges?

Un miroir grossissant de ce qu'est devenue cette puissance dominante.

Et en voyant la dernière partie du film, avec cette Maison blanche assiégée, comment ne pas penser à l'assaut du Capitole ?

Une scène de presque 20 minutes, filmée magistralement caméra à l'épaule et qui fait de nous des témoins aussi privilégiés que mal à l'aise.

Car finalement, que nous a raconté Alex Garland si ce n'est un immense fake? Un peu à la manière d'Orson Welles lorsqu'il a terrifié l'Amérique des années 30 avec son canular radiophonique faisant croire à une invasion extraterrestre... Garland, lui aussi, utilise des méthodes extrêmes pour mieux réveiller des consciences endormies. Le propos politique qui semblait être absent par le manque de contexte trouve finalement tout son sens à la vue du dernier plan cynique du film.

En cette période électorale qui s'ouvre aux États-Unis, le succès du film est plutôt une nouvelle rassurante ... Brecht avait raison de dire qu'il est toujours fécond le ventre de la bête immonde...

Gonzo78
8
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le 21 avr. 2024

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Gonzo78

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