Masterclass d'intrigue, de réalisation et de photographie, Civil War vous plonge dans l'horreur avec une maestria rare, des personnages pleins de reliefs et tout ce qu'il y a de plus humains devant faire face à la brutale réalité de la guerre.
Il y a des images marquantes, de celles qui vous hantent tant par leur beauté que par leur violence, des situations glaçantes et un humour qui arrive tant bien que mal à poindre ici ou là (notamment grâce à cette BO qui offre des choix musicaux en décalage), afin de nous donner des respirations indispensables.
Civil War est un film coup-de-poing qui vous enverra dans les cordes plus d'une fois avant que le gong ne retentisse.
Le principe du film est on ne peut plus simple : 4 reporters doivent traverser une Amérique terrassée afin d'obtenir une interview du président à l'origine du chaos subit par tous. Sauf que voilà, encore faut-il arriver à destination vivants. C'est précisément là que les choses se corsent [j'espère que vous apprécierez cette blague d'une technicité épatante].
Sur leur trajet, ils rencontrent des acteurs de l'horreur, sont témoins de massacres, échappent au pire et continuent à avancer en immortalisant tout ce à quoi ils assistent, car c'est ça être journaliste : tout documenter, tout montrer, ne rien dissimuler même l'horreur la plus nue. Tous prennent des risques, manquent de mourir mille et une fois mais sont animés par leur passion qui en fait des êtres suicidaires avides de sensations trop fortes pour le petit cœur du spectateur moyen.
Chacun d'eux a sa personnalité : il y a Lee (Kirsten Dunst), la photo reporter légendaire qui a tout vu, tout vécu et surtout survécu à tout, il y a Joel, son acolyte, la tête brûlée que seuls le danger et l'article exclusif qu'il rêve d'écrire excitent, Sammy, le vieux sage limité par son âge et enfin Jessie, qui représente la nouvelle génération, fougueuse, admirative de Lee et qui ne mesure pas dans quoi elle embarque en prenant la route avec eux.
Parmi les nombreuses péripéties qui jalonnent leurs étapes, il y a la rencontre avec Jesse Plemons, qui nous offre une prestation breaking badesque de très haute volée qui résume à merveille la situation politique que le film esquive (un peu trop) pour se concentrer sur la question suivante : qu'est-ce qu'être un reporter de guerre ?
On peut ainsi reprocher à Alex Garland cet angle audacieux. Mais passer trop de temps à regretter de ne pas voir une analyse politique portée à l'écran serait prendre le risque de passer à côté du sujet principal (encore une fois : qu'est-ce qu'être reporter de guerre?).
Mieux vaut donc embrasser ce pas de côté pour mieux apprécier l'hommage rendu au métier de journaliste/photo reporter risquant sa vie pour avoir le cliché, la citation, bref, pour être au cœur de l'événement quels que soient les dangers.
Civil War est un road movie dopé sur fond de guerre, un arc de développement ô combien réaliste pour chacune des 3 générations dépeintes, un regard posé sans ménagement sur l'horreur qui sévirait dans chacun des camps si une guerre civile venait à éclater de nos jours aux Etats-Unis.
C'est cynique, acerbe, noir, sans concession aucune, souvent sublime, étonnamment, terrifiant, clivant.
Du grand cinéma.